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Compte-rendu - Les Bach en majesté à Vézelay


Ancré depuis sa naissance à Vézelay, le chœur Arsys Bourgogne vibre d’une ferveur première qui rend vaines les querelles d’interprétation entre Anciens et Modernes. C’est qu’en dix ans d’activité, l’ensemble conduit par Pierre Cao (photo) est devenu un acteur incontournable du grand réveil choral, passant avec un surprenant bonheur du Baroque aux orages romantiques, voire à la création contemporaine, et offrant dans un même élan la justesse, le souffle collectif et, plus encore, ce souci du mot et d’une rhétorique signifiante, magnifié par un son toujours virtuose et expressif.

Ainsi du concert de Pâques qui convoquait en la Basilique Sainte Marie-Madeleine, haut-lieu roman inscrit au patrimoine de l’Unesco depuis 1979, quelques prédécesseurs notoires de Jean-Sébastien, au sein de la tribu Bach (faisait exception un motet de Carl Philipp Emanuel, le second fils du maître). Certes, les familles musicales sont choses assez fréquentes dans le patrimoine européen ( cf. les Couperin en France ou les Scarlatti en Italie). Reste que seule la maison Bach permet un voyage d’une telle ampleur dans le temps et dans la qualité des œuvres. Une histoire commencée avec l’ancêtre Veit, obscur meunier et musicien venu de Hongrie, au XVIème siècle, et qui verra se succéder sept générations de compositeurs, souvent de premier plan, en terre allemande, jusqu’au début du XIXème siècle !

Bien évidemment, les Bach n’ont pas attendu le Cantor de Saint-Thomas pour être à la fois témoins de leur temps et « passeurs » agissants entre les époques, et c’est précisément comme une reconnaissance que leur apporte l’approche ardente d’Arsys Bourgogne, sans verser pour autant dans le culte obsessionnel d’un style musicologique. En fait, Pierre Cao ne se soucie guère ici du geste «d’époque», devenu préoccupation primordiale chez beaucoup. Sa direction, large et précise, mise sur les contrastes dynamiques, tout en se gardant de toute inflation dans la projection des affects. D’où cette stimulante impression d’une reconstitution baroquisante quant à l’esprit, mais s’inscrivant dans un décor qu’on qualifiera de traditionnel (une vingtaine de chantres, quant aux effectifs, s’agissant d’un chœur mixte soutenu par le sobre continuo – violoncelle, contrebasse et orgue - du Concert Lorrain).

Dans ce cortège surgi d’un passé qui est aux sources mêmes de l’école germanique, les révélations majeures s’appelaient Johann Bach (1604-1673), maître de la spatialité dans le motet à double choeur Sei nun wieder zufrieden meine Seele qui brûle d’un piétisme quasiment schützien, et surtout Johann Christoph Bach (1642-1703) qui fut un pionnier plein d’invention, et sans doute le nom le plus important de la dynastie avant Jean-Sébastien, lui-même emblème, tout à la fin, avec le motet fameux Jesu, meine Freude BWV 227, vision toute de dévotion et de tendresse par la grâce d’avocats habités. Simple regret : que Paris n’ait pas été prévu dans la tournée de ce programme, qui sera à Marseille en octobre prochain.

Roger Tellart

Vézelay, Basilique, 12 avril 2009

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Photo : DR

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