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Compte-rendu - Idoménée au Festival d’Aix - Mozart chez Gustave Eiffel !


Décidément, Mozart a bien du malheur ces temps-ci dans la cour de l’Archevêché d’Aix-en-Provence ! Pour le second été d’affilée, le voici en effet empêtré dans un enchevêtrement de ferraille qui lui donne des allures d’échafaudage, de travaux, et donc d’inachèvement. L’an dernier, souvenez-vous, c’était Peter Sellars qui confondait joyeusement les fragments du singspiel Zaïde avec Fidelio, le sublime chant de liberté de Beethoven, pour mieux plaquer le drame de l’exploitation des esclaves sur la trame légère et fragile de l’essai mozartien sous la forme d’un mur de fer aux escaliers épouvantablement sonores… Pour Idoménée, Olivier Py a mis la sourdine à son ballet de praticables qui trois heures d’horloge durant n’arrêtent pas de détourner l’attention du public : il faut toujours se méfier quand l’œil va en sens contraire de l’oreille…

Donc M. Py a décidé d’inscrire le premier véritable chef-d’œuvre lyrique de Mozart dans l’actualité internationale la moins reluisante, celle de l’immigration clandestine. Au prix d’un petit coup de canif à l’histoire, le metteur en scène a volontairement confondu la Crête et Malte, à moins que ça ne soit Lampedusa ou feu Sangatte. Tout ça, pour être dans l’actualité et faire jaser dans les salons ! C’est d’autant plus regrettable qu’Idoménée par son thème même, celui du pardon et de la générosité accordée aux ennemis, est susceptible d’une actualisation particulièrement aisée pour peu que le génie du metteur en scène ne soit pas affirmé au détriment de l’universalité de cet opéra. Il nous permettra de lui suggérer pour son prochain essai lyrique la grippe porcine… toute indiquée pour Traviata ou La Bohème !

Ici, c’est plutôt le tournis d’Eiffel qui menace les malheureux chanteurs juchés au sommet de ces praticables qui ont l’élégance de rayons de grandes surfaces et la dangerosité du second balcon de l’Opéra Bastille… Chapeau à tous qui courent à travers ces coursives suspendues ! Seule Mireille Delunsch, Elettra contradictoire taillée au burin, est épargnée dans sa scène de fureur, qui appartient au bric à brac de l’opera seria, pour une entrée qui peut surprendre. La soprano s’avance en effet un seau à la main : va-t-elle passer la serpillière ? Non, elle s’enduit le visage d’hémoglobine comme Lucia dans sa folie et la pauvre est ridicule. Elle a déjà assez de mal avec les notes de la partition ! On devrait condamner à une amende sévère les metteurs en scène sadiques qui n’hésitent pas à ridiculiser les acteurs ou les chanteurs.

Le reste de la distribution, à l’exception du rôle-titre tenu avec maestria par le ténor américain Richard Croft, est honnête sans plus dans un festival de renom et compte tenu de la direction d’acteurs serrée imposée par Olivier Py. C’est l’opéra des quatre ténors lorsqu’on choisit de confier le rôle d’Idamante à un ténor, ici le Français Yann Beuron flanqué du Poitevin Xavier Mas, Arbace, et du Canadien Colin Balzer, le Grand Prêtre. La princesse troyenne Ilia qui est retenue prisonnière en otage, loin donc de demander l’asile, est soumise à un épuisant parcours du combattant, qui donne le souffle court à la soprano belge Sophie Karthäuser. Dans la fosse, Mark Minkowski est à la tête de ses Musiciens du Louvre-Grenoble dont on ne sait pas toujours s’ils restent de stricte obédience baroque ou moderne, et du Chœur de Radio Berlin en petite forme. A de très beaux passages dramatiques ou poétiques, succèdent des chutes de tension en forme de tunnel dans la fosse nous privant d’une vision d’ensemble qui s’impose pourtant dans un ouvrage où l’orchestre occupe une place de choix.

Que le chef français n’a-t-il mis en pratique ses propos livrés au dernier numéro d’Opéra Magazine auquel il déclare qu’il ne faut pas hésiter à donner parfois un coup de ciseau dans une partition ! Loin de tout cela, Marc Minkowski a rallongé la sauce en ajoutant, notamment en fin de spectacle de la musique de ballet où des danseurs sans chorégraphe (sic) viennent rejouer ce que les solistes ont chanté à l’instant. Bis repetita non placent

Jacques Doucelin

Mozart : Idoménée – Festival d’Aix-en-Provence, Théâtre de l’Archevêché, 4 juillet 2009, puis les 7, 10, 13, 15 et 17 juillet (à 21h30).

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Photo : E. Carecchio/Festival d’Aix-en-Provence

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