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Compte-rendu - Gustavo Dudamel dirige le Philharmonique - Triomphe pour une transfiguration


La Symphonie « Titan » s’achève et dès le second rappel – chose fort rare à Paris où l’on préfère attendre le moment de se lever… pour partir – la standing ovation d’une salle Pleyel pleine comme un œuf commence et se prolonge une bonne douzaine de minutes. Elle aurait pu durer bien plus longtemps si les lumières ne s’étaient rallumées et signe n’avait été donné aux musiciens du Philharmonique de Radio France de quitter la scène. Gustavo Dudamel n’a pas raté son rendez-vous de fin de saison avec Paris !

Tout avait d’ailleurs commencé pour le mieux avec le Concerto d’Erich Korngold sous l’archet de Renaud Capuçon. Sans jamais forcer l’expression ni accentuer la dimension « hollywoodienne » assumée de cet opus, soliste et chef font cause commune pour exalter l’essence d’une composition où tout est mélodie, où tout chante. Le lyrisme à fleur de peau du violoniste trouve un constant écho dans direction du jeune maestro vénézuélien. Ce dernier soigne le détail, raffine les timbres et offre à son soliste une réplique vibrante et émerveillée.
Après avoir entendu Renaud Capuçon il y a peu dans un beau Concerto de Schumann avec Dresde et Harding, on ne peut que se féliciter de le voir faire à nouveau preuve d’originalité dans ses choix de répertoire avec l’ouvrage de Korngold.

Sans partition - et avec quelle formidable maîtrise du texte ! -, Dudamel s’empare ensuite de la Symphonie n°1 « Titan » de Gustav Mahler. Impossible de restituer par les mots le fabuleux moment qu’elle nous a valu. Fraîcheur et acuité du regard, naturel de l’expression sont les caractéristiques premières d’une approche qui explore et « tient » sans un temps mort l’ouvrage, du mystérieux bruissement de nature du premier mouvement à la puissante conclusion du Stürmisch bewegt, chauffée à blanc. Elle ne présente toutefois rien d’excessif ni de vulgaire tant elle s’inscrit dans la cohérence d’une conception profondément engagée (quoique relativement retenue dans ses choix de tempi).

Dudamel est de ces interprètes qui savent donner aux partitions les plus célèbres un goût de « première fois ». D’un geste à la fois précis et suggestif -, il transfigure littéralement la Symphonie en ré majeur (ce 3ème mouvement, comme sorti d’un rêve…) et conduit les musiciens du Philar à offrir le meilleur d’eux-mêmes – le degré d’angle entre le dos du premier violon et le dossier de sa chaise en disait long sur l’autorité, naturelle, jamais cassante, du Vénézuélien…

Ce n’était pas sa première apparition à Paris, mais celle-ci fera date et scelle à coup sûr le commencement d’une longue histoire – allez, rêvons un instant… ; le climat de Göteborg est un peu frisquet, non ? Pas besoin d’être grand clerc en tout cas pour affirmer qui les places seront très chèrement disputées lors des deux prochaines apparitions du chef à Pleyel à la rentrée (23 et 24 octobre).

Alain Cochard

Paris, salle Pleyel, 26 juin 2009

> Voir la video de Gustavo Dudamel et Renaud Capuçon en repétition pour ce concert

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Photo : DR

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