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Compte-rendu : Gil Shaham et l’Orchestre de Paris - La grâce


Absent des scènes parisiennes depuis plusieurs années, le violoniste américain Gil Shaham fait un retour éblouissant avec l’Orchestre de Paris Salle Pleyel dans le Concerto n°2 de Prokofiev. Ainsi ouvre-t-il de façon magistrale un cycle (six concerts répartis sur trois saisons) consacré à des œuvres concertantes pour violon des années 1930 signées Walton, Korngold, Szymanowski, Barber, Britten, etc.

On a les yeux de Chimène pour la limpidité, la pureté, la virtuosité sans ostentation d’un jeu rayonnant et d’un bonheur contagieux. La prestation de cet interprète possédé par la grâce est d’un naturel confondant et tient du miracle (jamais forcé, le lyrisme de l’Andante assai, est d’une tendresse et d’une humanité exemplaires). Les bis (3 extraits de la 3ème Partita de J-S. Bach) sont de toute beauté, d’une perfection à couper le souffle si proche de cette dimension céleste dispensée jadis par le grand Nathan Milstein.

Le jeune chef d’orchestre russe Dima Slobodeniouk a été formé à Moscou et à Helsinki (en particulier auprès du légendaire Jorma Panula). Baguette sûre et précise, il sait se faire discret dans l’accompagnement mais aussi impulser les élans dans les tutti du Prokofiev, laissant au soliste la part de liberté dont il a besoin.

En début de programme, dans le poème symphonique Le Lac enchanté de Liadov, sa direction très aérée et subtile fait miroiter toutes les couleurs aquatiques de cette œuvre aux tonalités pré-impressionnistes.

Sa vision de Petrouchka (la version originale de 1911) se rattache davantage à l’esprit d’une grande pièce symphonique chamarrée plutôt qu’à la modernité rythmique d’un ballet précurseur du Sacre du Printemps. Soutenu par des musiciens très en verve (le violon de Roland Daugareil, la trompette de Bruno Tomba, la flûte de Vincent Lucas, la clarinette de Philippe Berrod, le cor d’André Cazalet), son exécution au climat poétique et burlesque, plus éclatante qu’élégante, accuse les contrastes et témoigne d’une vitalité plus soucieuse de lumière que de clair-obscur tout en tenant sans cesse en haleine.

Michel Le Naour

Paris, Salle Pleyel, 2 décembre 2010

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