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Compte-rendu - Gergiev dirige le London Symphony Orchestra - Prokofiev, un classique chez les Soviets


Quatrième temps et somptueuse conclusion pour le Cycle Prokofiev organisé salle Pleyel que ce dernier concert dirigé par Valery Gergiev à la tête du London Symphony Orchestra avec le violoniste Vadim Repin en soliste du 2e Concerto. L'entente est parfaite entre les musiciens britanniques et Gergiev qui est leur chef principal depuis 2007 : ils le suivent dans l'enthousiasme. D'abord, dans la version originale de la 4e Symphonie qui sonne en 1930 comme l'adieu définitif au monde ancien symbolisé par Diaghilev et ses commandes passées à ses compatriotes pour les fameux Ballets russes.

Ici, c'est la musique pour le ballet Le Fils prodigue qui est recyclée, juste après la mort de Diaghilev, dans une symphonie à l'intention de Koussevitzky et de son Orchestre de Boston. Un classicisme évident tient lieu de passeport laqué à cette musique à la fois solide et séduisante, charpentée et serpentine. Stravinsky prétendait que la musique n'exprimait rien. Prokofiev n'en est pas si éloigné dans son attitude d'esthète passant d'un monde à l'autre – c'est le cas de le dire, car il se prépare alors à franchir les frontières pour mieux jouer au retour du fils prodigue dans son pays natal ! D'éléments disparates, il nous refait une Symphonie classique qui ne fâche personne. Cinq ans plus tard, en 1935, c'est l'ultime commande venue de l'Ouest avec le Second Concerto pour Robert Soetens.

Vadim Repin s'y montre aussi à l'aise que dans un Mendelssohn: c'est un géant qui marche sur une toile d'araignée. Sa présence est calme, comme en apesanteur, ne tirant jamais la couverture à lui, à l'écoute des couleurs de l'orchestre déployées par Gergiev. Au physique comme au moral d'ailleurs, ainsi qu'il le prouve avec le bis qu'il va donner en duo avec le premier violon solo du LSO, Andrew Haveron. Suprême élégance d'un seigneur de la race des Oïstrakh !

Oeuvre de guerre, la 5e Symphonie se projette pourtant, en 1944, dans ce qui va suivre. C'est le retour au cocon symphonique après les grandes machines patriotiques, la victoire de l'esprit sur le bruit du canon. Valery Gergiev et ses musiciens traduisent avec infiniment de délicatesse cette alternance de nostalgie mahlérienne et de fanfares dissonantes, de joie secrète et d'épopée tragique. Le tout dans une grande perfection formelle.

Jacques Doucelin

Paris, salle Pleyel, le 19 mai 2009

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Photo : DR

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