Journal

Compte-rendu : Franz Schreker ce méconnu - Philippe Hui dirige l’Orchestre Pasdeloup


Comme pour tant d’artistes juifs, le nazisme fut fatal à Franz Schreker, compositeur en vue sous la République de Weimar qui mourut en 1934, victime expiatoire des attaques proférées à l’encontre d’une musique considérée comme « dégénérée » pour ses connotations érotiques, symbolistes et mystiques. La nuit qui a recouvert son œuvre, hormis quelques rares rais de lumière – en particulier pour son opéra Die Gezeichneten (Les Stigmatisés) de 1918 et à un moindre degré Der Ferne Klang (Le son lointain) de 1912 – se serait définitivement installée sans l’entremise de l’Institut Franz Schreker fondé en 2008 (et dirigé par le chef d’orchestre Philippe Hui), dont le prosélytisme est à l’origine de ce concert dominical de l’Orchestre Pasdeloup, également patronné par le Festival d’Auvers-sur-Oise.

Philippe Hui (photo) est un « schrekérien » de cœur et sait dynamiser les musiciens dans ce programme composite et quelque peu éclaté (Schreker ne trouve en réalité sa véritable force créatrice que dans le temps long et n’est ni Korngold ni Schoenberg), il propose un regard d’ensemble sur ce musicien protéiforme. Les extraits que l’on entend du Prélude du 1er acte de Die Gezeichneten, les versions (réalisées par Philippe Hui) de la Suite de Der Geburtstag der Infantin (L’Anniversaire de l’Infante) d’après Oscar Wilde et de la Suite d’orchestre extraite de Der Ferne Klang, bénéficient d’un travail instrumental en profondeur où la dimension mélodique et rythmique l’emporte pourtant sur la subtilité et la nuance des timbres.

Dans la Symphonie de chambre (1916), le jeu de couleurs présent dans les trois mouvements est un peu estompé au profit d’une sécurité d’interprétation compréhensible. Le baryton Jean-Philippe Lafont dont on connaît la familiarité avec le répertoire germanique (il fut Telramund dans Lohengrin à Bayreuth) chante avec autorité et sens dramatique la Ballade extraite de Der Ferne Klang relatant la malédiction d’un roi victime d’une couronne qu’il refuse de porter. Cette résurrection courageuse est à marquer somme toute d’une pierre blanche comme d’ailleurs l’exposition temporaire présentée sur les murs du Théâtre des Champs-Elysées jusqu’au 24 octobre permettant de faire revivre ce compositeur injustement oublié.

Michel Le Naour

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 11 octobre 2009

Programme du Théâtre des Champs-Elysées

Lire les autres articles de Michel Le Naour

Photo : DR

Partager par emailImprimer

Derniers articles