Depuis 1998, Pascal Escande, prenant le relais de son professeur de piano Eliane Richepin, décédée en 1999, qui avait créé et animé l’été le Festival d’Annecy pendant un quart de siècle, a maintenu à bout de bras, par fidélité, une manifestation subventionnée par la Mairie, la Communauté d'Agglomération (C2A) et le Conseil Général de Haute-Savoie. Toutefois, malgré ses efforts (une Académie destinée aux étudiants des Conservatoires s’était greffée sur le festival ainsi qu’un Atelier Choral ouvert aux fervents de l’art lyrique), l’entreprise, qui accueillait déjà les plus grands interprètes et de jeunes solistes talentueux, avait besoin d’un second souffle. La manne financière est venue d’un mécène russe, Andrey Cheglakov, passionné de musique et amoureux de ce lieu enchanteur qu’est Annecy. Outre la contribution pécuniaire d’importance, sa Fondation a permis, dans le cadre de la célébration de l’année France-Russie, avec la contribution du pianiste Denis Matsuev, directeur artistique associé, de donner un élan à la première année d’Annecy Crescendo Festival (la nouvelle appellation de cette édition).

La venue emblématique pour deux concerts de Yuri Temirkanov (photo) à la tête du légendaire Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg crée l’événement auprès d’un public fervent de plus de 2000 personnes dans l’Eglise Sainte-Bernadette les 18 et 19 août. En ouverture, Denis Matsuev caracole dans le Concerto n°3 de Rachmaninov (moyens techniques impressionnants, fulgurance d’une interprétation aussi puissante que distillée), tandis que la 4ème Symphonie de Tchaïkovski (cheval de bataille de Temirkanov et de sa phalange pétersbourgeoise, transporte dans un univers tour à tour violent, dramatique, subtilement dosé (Andantino) ou d’une virtuosité étourdissante (les pizz. du Scherzo !). Le lendemain, après une Ouverture du Barbier de Séville de Rossini très en place, la jeune violoniste d’origine chinoise Sayaka Shoji donne du Concerto en mi mineur de Mendelssohn une exécution parfaite et très impressionnante mais sans chaleur (Andante). En revanche, dans la Symphonie n°2 de Rachmaninov, tous les pupitres de l’orchestre, entraînés par l’énergie et le lyrisme de Temirkanov, font flèche de tout bois dans une version d’anthologie de cette œuvre fleuve où la tension n’a pas chuté un seul instant. En bis, l’extrait (Nimrod) des Variations Enigma d’Elgar soulève, par le souffle du propos, l’enthousiasme d’un public debout.

Dans la Cathédrale Saint-Pierre, la grande tradition sacrée – avec en particulier les Trois Motets op 110 de Brahms et des extraits de la Liturgie de Saint-Jean Chrysostome de Rachmaninov – est défendue avec intensité par le Chœur de chambre Accentus dirigé par Laurence Equilbey auquel ne manque qu’un soupçon de ferveur dans le répertoire russe dont seuls les chœurs venus de l’Est détiennent le secret.

Au Musée-Château, le duo constitué par la violoncelliste Tatiana Vassilieva et le pianiste Jean-Frédéric Neuburger manifeste une belle homogénéité et une vélocité accomplie dans les œuvres de Chopin (Polonaise brillante et Sonate op 65) et plus encore dans la monumentale Sonate op 47 d’Alkan à l’expression plus démonstrative qu’intérieurement ressentie.

Enfin, en ce même lieu, l’Orchestre de Chambre de Genève conduit par Vladimir Spivakov accompagne avec bonhomie le trompettiste David Guerrier dans le Concerto du Tchèque Jan Neruda, ainsi que dans le ludique Concerto pour piano, trompette et cordes de Chostakovitch où Denis Matsuev se joue des chausse-trappes de la partition avec la même aisance que David Guerrier aux interventions facétieuses et lyriques. La Sérénade de Tchaïkovski comme les Deux Elégies de Grieg apportent une tonalité rêveuse et charmeuse à ce concert qui clôt une programmation d’une diversité et d’une richesse prometteuses pour l’avenir.

Michel Le Naour

Annecy, Eglise Sainte-Bernadette, Cathédrale Saint-Pierre, Musée-Château, 18, 19, 20, 21 et 28 août 2010

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Photo : DR