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Compte-rendu - Demofoonte au Palais Garnier - Jommelli ou la fin d'un monde


Riccardo Muti est l'un des plus grands chefs d'orchestre actuels et il faut féliciter Gerard Mortier d'avoir réussi à l'attirer pour la première fois à l'Opéra de Paris pour sa dernière saison. On regrettera seulement que l'illustre maestro napolitain ne soit pas à la tête des forces vives de la maison pour quelque grand opéra du répertoire à la mesure de sa juste réputation. Au lieu de cela, il est venu à Paris avec un spectacle clef en main qui tourne en Europe du Festival de Pentecôte de Salzbourg à celui de Ravenne cet été, Demofoonte de Niccolo Jommelli, compositeur napolitain célèbre de son vivant dans toutes les cours d'Europe.

En Napolitain cocardier, Muti a opté pour la dernière version de l'ouvrage destinée au Théâtre San Carlo de Naples en 1770. N'empêche que ces 3h30 paraissent interminables et explique que quatre ans plus tard Gluck venu à Paris à l'invitation de son élève Marie-Antoinette, lancera sa fameuse réforme de l'opéra. Dix ans plus tard, en 1780, c'est Mozart qui révolutionnera et enterrera définitivement le vieil opera seria avec son Idoménée. Si le sujet des livrets reste toujours des princes et des reines qui ont des malheurs, la musique parvient enfin à individualiser les sentiments et à affirmer leur vérité au détriment des coups de théâtre téléphonés et de ces airs de fureur obligés.

Ce Demofoonte illustre donc à merveille l'état de décadence où était tombé en près de deux siècles l'opera seria italien depuis l'Orfeo de Monteverdi en 1607 ! Riccardo Muti est à la tête de son Orchestre de Jeunes Luigi Cherubini qui joue avec style et élégance, mais sur des instruments modernes ce qui, par comparaison, accentue encore l'aspect « vieillerie» d'une partition défendue par une distribution jeune et fraîche, certes, mais dont la voix la plus grave est le ténor qui défend le rôle-titre ! Ici, les princes sont travestis, les rois des hautes-contre dont les timbres se confondent fâcheusement avec ceux des sopranos et autres mezzos qui incarnent les héroïnes. A croire que Muti s'est converti à la mode baroque !

L'interminable succession d'arias da capo débouche sur la monotonie et l'ennui tout court. Si le palais classique renversé qui sert de décor unique témoigne d'une authentique élégance italienne, il demeure un cadre vide en raison de l'absence cruelle de direction d'acteurs. Mais l'action de Demofoonte le permettrait-elle ? Quand on se souvient des tragédies lyriques de Gluck ou de Cherubini retrouvant la vigueur de leur jeunesse révolutionnaire sous la baguette de feu de Muti au Mai de Florence, on enrage du choix d'un ouvrage aussi faible pour ses débuts à l'Opéra de Paris.

Jacques Doucelin

Jommelli : Demofoonte - Palais Garnier, 16 juin 2009.

Dernières représentations : 20 et 21 juin à 14h30.

www.operadeparis.fr

08 92 89 90 90

Festival de Ravenne: 3, 5 et 7 juillet 2009

www.ravennafestival.org

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Photo : Fred Toulet / Opéra national de Paris

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