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Compte-rendu - Cosi fan tutte au Festival de Beaune - Mozart sans théâtre

En attendant Don Giovanni et après de mémorables Noces de Figaro et un non moins inoubliable Idoménée, Jérémie Rhorer et Le Cercle de l’Harmonie ont fait une fois de plus l’événement du 27e Festival de Beaune avec un nouveau Cosi fan tutte. C’est pourtant de tous les grands opéras de Mozart, celui qui pose le plus de problèmes en version de concert. Don Giovanni emporte tout dans son ouragan de feu musical, Les Noces sont un vaudeville tellement parfait qu’on entend les portes claquer sans intervention d’un metteur en scène et La Flûte enchantée envoûte par la seule magie d’une musique sublimée.

Avec Cosi, on a affaire à un mécanisme d’horlogerie qui se dérègle et bat la chamade sous les assauts des intermittences du cœur, lorsque les deux garçons se mettent soudain au second acte à ruer dans les brancards de la raison. Or, paradoxalement, ce retournement de situation et d’atmosphère pour être saisi par le public, doit être perçu visuellement : les mouvements du cœur doivent impérativement s’incarner dans les corps et l’image qu’ils donnent d’eux-mêmes. Comme si l’oreille et l’intellect étaient impuissants à traduire seuls cette subversion romantique du sentiment d’amour et de possession de l’autre, qui soudain barre la route au désir d’un nouveau corps. Nulle faiblesse de Mozart en cela, mais la preuve au contraire qu’il est d’abord un musicien de théâtre.

Il faut montrer, incarner ce jeu subtil qui retourne la situation initiale emportant dans leur propre détresse ceux qui croyaient prendre et sont finalement pris à leur propre piège : Mozart invite lui-même à l’image. Le chef Jérémie Rhorer paraît parfois bien seul dans l’acoustique blafarde de la basilique Notre Dame, malgré quelques coupes bien venues et surtout la complicité parfaite de ses musiciens. Car à l’exception des cuivres qui témoignent de réels problèmes de justesse, ces jeunes instrumentistes ont la vertu d’être suspendus au souffle des chanteurs. Mais le miracle d’Idoménée ne s’est pas reproduit : les six solistes manquaient d’homogénéité, mais surtout l’intonation vacillante du ténor italien Stefano Ferrari (Ferrando) déséquilibrait dangereusement les merveilleux ensembles de ce Cosi fan tutte qui ne manquait pourtant pas d’atout.

A commencer par l’adorable Dorabella de la mezzo soprano yougoslave Renata Pokupic et le Guglielmo irréprochable du baryton allemand Andreas Wolf que l’on retrouvera tous deux dans la nouvelle distribution que dirigera Jérémie Rhorer au Théâtre des Champs-Elysées, le 28 septembre prochain. A Beaune, Alfonso était en voix et articulait à merveille en la personne du baryton italien Riccardo Novaro, et la Despina de la soprano néerlandaise Lenneke Ruiten ne manquait pas d’abattage même si elle jouait plus les coquettes que les soubrettes. La soprano allemande Cornelia Götz était trop attentive à ne pas chanter dans le grave pour convaincre dans le rôle exposé de Fiordiligi. Comme quoi, baisser le diapason à 430 n’est pas forcément à l’avantage de tout le monde !

Jacques Doucelin

Mozart : Cosi Fan tutte - Festival de Beaune, 25 juillet 2009

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