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Compte-rendu : « Ce mortel ennui… » - Norma au Châtelet

Après Don Giovanni sur une aire d'autoroute (Calixto Bieito), Elektra dans un lavomatic (Mathias Hartman), ou Carmen dans un bunker (Martin Kusej), voici Norma sur Mars, ou plutôt dans un asile de fous, reconstitué sur une planète imaginaire. Il fallait y penser, merci Peter Mussbach ! Norma, ancienne chef de gang égarée - entre Amy Winehouse et Tina Tuner dans Mad Max pour le look - évolue au milieu d'épileptiques, alors que son ancien amant (Pollione, bellâtre passé à la peinture dorée) s'amuse avec un cheval à roulette et fricote avec une gamine, aux joues rouges et aux boucles blondes. Comment une fois encore ne pas être consterné devant le massacre d'une oeuvre avec laquelle un "metteur en scène" fait joujou, sans se préoccuper un instant des conséquences.

Dans la fosse, on nous annonce de l'authentique, du vrai, du beau, de l'inédit sur instruments anciens. Il ne s'agit pourtant pas d'une première, l'expérience ayant été tentée en Italie par Fabio Biondi et Europa Galante, à Parme en 2001, avec June Anderson. Pauvre Bellini ! Où sont passés vos légendaires phrasés, vos cantilènes extatiques et la pureté de votre style? Jean-Christophe Spinosi et son Ensemble Matheus, qui avaient déjà piétiné Mozart (Cosi fan tutte au TCE), saccagent consciencieusement la partition par un manque de musicalité patent, des accents acides et crispés, un vacarme impossible dans les tutti et des précipitations inconcevables dans ce répertoire.

Soumise à pareil traitement, la Norma incolore et inexpressive de Lina Tetriani ne s'impose ni dans les récitatifs, débités à la hache (« Sediziose voci »), ni dans les arias chantées sans soutien (« Casta diva » et plus encore « Teneri figli », réduit à néant), sans projection et surtout sans aura : neuf ans après June Anderson, monumentale druidesse à la Bastille, le bilan est amer. Claire et élancée, la soprano Paulina Pfeiffer, Adalgisa, lui est préférable même si l’interprète peut encore progresser. Toujours fâché avec son aigu, mais vocalement engagé, Nikolai Schukoff est bien meilleur en Pollione qu'en Don José (Carmen en 2007), mais n’évite pas toujours le ridicule de certaines situations, tandis que Wojtek Smilek s'avère un puissant Oroveso (rôle mimé par Nicolas Testé, souffrant). Belles interventions du Choeur du Châtelet.

On oublie.

François Lesueur

Bellini : Norma – Paris, Théâtre du Châtelet, le 18, puis les 20, 22, 24 et 28 janvier 2010

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Photo : Chatelet/Marie-Noëlle Robert
 

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