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Compiègne - Compte-rendu : Musset du côté de Debussy

Depuis près d’un demi siècle, Les Caprices de Marianne, opéra tiré de la pièce éponyme de Musset par Jean-Pierre Grédy et signé Henri Sauguet, ne survivent que grâce à l’enregistrement qu’en a fait Manuel Rosenthal avec une brochette de magnifiques chanteurs français, d’Irma Kolassi à Michel Sénéchal en passant par Andrée Esposito et Camille Maurane. Pierre Jourdan, créateur du Théâtre Français de la Musique, a eu raison de les remonter au Théâtre Impérial de Compiègne en hommage à Gabriel Dussurget pour les dix ans de sa disparition.

D’abord, parce qu’à côté d’oeuvres de Pierre Boulez ou d’Henri Dutilleux, cet authentique opéra comique témoigne de la politique de création poursuivie par le fondateur du Festival d’Aix-en-Provence dès ses premières années. Dussurget commanda, en effet, Les Caprices de Marianne en 1954 à Sauguet. Ensuite, parce que ce dernier se plaça dans la plus pure tradition de l’Opéra Comique français, celui qui mène de Grétry à Debussy. C’est là qu’il aurait sa place naturelle s’il y avait encore un Opéra Comique à Paris, qui cultiverait ce genre en permettant aux jeunes chanteurs français d’apprendre leur métier tout en s’initiant aux subtilités de cette musique avec les meilleurs maîtres.

Ceux-ci ont émigré au Théâtre Impérial de Compiègne. Ainsi voyait-on notre ténor national Michel Sénéchal, plus jeune que jamais, passer le flambeau à ses cadets. De fait, à Compiègne, point n’est besoin de surtitre: vous comprenez tout ce que disent et chantent les artistes! C’est la griffe Jourdan: même pour deux représentations, on répète des mois en amont. Cela permet au moins de réaliser un enregistrement audio-visuel de qualité en laissant une trace de référence. Le décor réaliste de Jean-Pierre Capeyron offre un cadre efficace aux mouvements de l’âme des héros de Musset, qui s’expriment dans un récitatif continu directement issu du Debussy de Pelléas et Mélisande, émaillé de quelques airs et duos, voire d’un quintette plus animé au second acte.

Le trio des protagonistes est dominé par l’Octave de l’excellent baryton argentin Armando Noguera entouré de la Marianne de la colorature Isabelle Philippe qui se libère d’un acte à l’autre, et du ténor Stéphane Malbec-Garcia qui campe un Coelio émouvant. A signaler la remarquable prestation de la basse Matthieu Lécroart en Claudio et de la mezzo Magali Damonte (photo) en Hermia. L’Orchestre Albéric Magnard sauve l’honneur sous la baguette de Miquel Ortega dans une partition particulièrement vétilleuse.

Jacques Doucelin

Dernière représentation: dimanche 8 octobre, 17h30, au Théâtre Impérial. Réservation

A signaler que le Duo de Dijon présentera une nouvelle production des Caprices de Marianne de Sauguet signée Eric Perez et dirigée par Joël Suhubiette avec une autre distribution, les 23, 24 janvier, 18, 21 et 22 février 2007.

Photo : DR
 

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