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Charles Dutoit dirige la Damnation de Faust avec l’Orchestre National de France – Flamboyant – Compte-rendu
Directeur musical de l’Orchestre National de France durant dix ans, Charles Dutoit (photo) n’avait pas eu l’occasion de diriger cette formation depuis son départ en 2001. La défection d’Emmanuel Krivine, souffrant, aura été l’occasion d’apprécier dans la Damnation de Faust les qualités du chef suisse qui, à 82 ans, conserve la même élégance chorégraphique dans sa battue et un inaltérable enthousiasme.
Rien ne transparaît ici des relations parfois compliquées qu’il a pu entretenir autrefois avec les musiciens français. Magicien des équilibres sonores, accompagnateur raffiné des chanteurs, il sait transmettre flamme, héroïsme (Marche hongroise très enlevée), évanescence (Ballet des sylphes), et mener la chevauchée infernale de la Course à l’abîme avec un brio communicatif sans négliger lors des transitions souplesse et fluidité (Menuet des feux follets). Une remarquable compréhension de la musique française qu’il a toujours défendue partout dans le monde. On savoure les interventions des différents pupitres qui rivalisent de beauté et de générosité (tels l’alto ou le hautbois). Le sens de la narration et de la construction comme le souffle qui animent cette lecture confèrent à l’ouvrage de Berlioz un caractère éminemment théâtral.
Pénalisé par une indisposition la veille du concert – ce dont le public est averti –, John Osborn, Faust d’expérience, doit contrôler son chant plus que de coutume (Méditation de Faust), mais la perfection de la diction (Invocation à la nature) comme l’excellence du phrasé (« Merci, doux crépuscule ») finissent par emporter l’adhésion. A son côté, le Méphistophélès de Nahuel Di Pierro contraste avec l’option d’un personnage démonstratif aux graves abyssaux : le chanteur argentin mise sur une dimension plus subtile (Chant de la puce), voire introspective, sachant intelligemment utiliser son timbre (« Voici des roses ») plutôt que de forcer le trait. La belle présence scénique d’Edwin Crossley-Mercer donne à Brander une certaine étoffe, mais la prestation vocale demeure en-deçà de l’attente. Capable de sons filés (Chanson du Roi du Thulé) mais aussi de lyrisme onctueux, la Marguerite de Kate Lindsey n’est pas toujours intelligible (« D’amour, l’ardente flamme ») mais réussit toutefois à tirer son épingle du jeu par son apparence virginale, comme hors du monde terrestre. Remarquable prestation du Chœur de Radio France (préparé par Martina Batič) d’un engagement constant, comme de la Maîtrise (conduite par Sofi Jeannin) instillant in fine un sentiment d’éternité. Public aux anges pour une Damnation de Faust qui restera dans les mémoires.
Michel Le Naour
Berlioz : La Damnation de Faust (version de concert) - Paris, Philharmonie, Grande Salle Pierre Boulez, 3 février 2019
Photo © Céline Michel
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