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« Cello Fantaisie » au Festival Palazzetto Bru Zane Paris 2025 – Le violoncelle autrement – Compte-rendu


Archets réputés et jeunes talents à suivre
De la musique pour violoncelle(s), rare certes – mais « que c’est la peine » pour reprendre la formule de Chabrier –, qui aura permis de réunir trois grands noms du violoncelle français : Edgar Moreau, Anne Gastinel et Xavier Phillips, associés à de jeunes et talentueux collègues : Mana Inagaki, Krzysztof Michalski, Lila Beauchard et Leonardo Capezzali, que l’on a été particulièrement heureux de découvrir à cette occasion – et dont, sans nul doute, vous entendrez vite reparler.
Les pièces pour trois violoncelles ouvrent le ban, confiées à E. Moreau, M. Inagaki et K. Michalski. Rien de tel pour se mettre dans le bain de cette « Cello Fantaisie » que l’Andante et Scherzo de Max d’Ollone (1875-1959 (1) ). Les interprètes restituent les entrelacs mélodiques et la mouvante plénitude de la première section aussi bien que la bruissante mobilité de la seconde – semblable à un ballet d’insectes.

Bonheur de la conversation musicale
Les mélomanes les plus « bruzaniens » connaissent la Suite pour trois violoncelles de Fernand de la Tombelle (1854-1928) grâce à l’enregistrement (1) inclus dans le « Portrait » du compositeur (en 3 CD) publié par le PBZ. Pur plaisir que de retrouver cette pièce, partagée avec un évident et généreux bonheur de la conversation musicale. Edgar Moreau saît entraîner ses deux jeunes collègues, pour mieux restituer l’élan lyrique et la bonne humeur un rien bourrue (savoureux Scherzando) des épisodes les plus enlevés comme le rêve suspendu du splendide Lento.

Un retour à la vie mérité
On cède vite aussi au charme du Trio pour trois violoncelles n° 2 op. 40 de Félix Battanchon (1814-1893), réalisation en cinq mouvements où l’influence de l’école viennoise se fait sentir, pour un résultat franchement séduisant. Du prenant mouvement intérieur (très agitato) de l’Allegro non troppo à l’étourdissante giration du Finale, les trois archets démontrent que la pièce mérite pleinement le retour à la vie qui lui est offert, ne fût-ce que pour son émouvant Adagio.
La soirée se poursuit à quatre avec Anne Gastinel, Lila Beauchard, Leonardo Capezzali et Xavier Phillips (photo) qui s’élancent dans les Trois Pièces op. 63 de l’Alsacien Marie-Joseph Erb (1858-1944). Les deux premières permettent d’apprécier les belles qualités de Leonardo Capezzali et Lila Beauchard, tandis que la Berceuse conclusive unit les quatre archets en une tendre complicité.
Auto-transcription et transcription
Entente parfaite aussi dans l’Andante religioso de Florent Schmitt ; elle permet mieux faire ressortir l’âpreté harmonique – schmittienne en diable ! – d’une page initialement écrite pour trombones et tuba, adaptée pour violoncelles par le compositeur. On a mêmement affaire à un arrangement avec les pièces d’Auguste Franchomme (1808-1884), violoncelliste et ami de Chopin, auteur d'une transcription pour quatre violoncelles des nos 9, 13 et 15 des 24 Préludes op. 28 du Polonais. Une curiosité qui souligne la parfaite cohésion du quatuor à l'œuvre ici, en particulier dans le sombre n° 9 dont les inflexions sont souplement restituées.

Une vraie poète des sons
En décembre dernier, la soirée « Jardin féerique » de La Boîte à Pépites avait permis de découvrir un extrait (le n° 2 Hommage à l’automne, seul épisode de l'ouvrage à faire appel au piano en plus des quatre violoncelles) de la Suite sylvestre de Fred de Faye-Jozin (1871-1942) – il nous avait mis l’eau à la bouche ... L’impatience était grande d'entendre le reste de l’ouvrage (que « Cello Fantaisie » présente sans piano pour le n°2, solution défendable même si l'on perd forcément en relief). On tient là une superbe partition dont les quatre volets (Salut au bois, Hommage à l’automne, Bourrasque en forêt et Adieux au bois) constituent chacun, pour reprendre les mots de la compositrice bretonne, « un acte d’adoration » envers la nature – on songe au "Bois sacré" de Paul Sérusier en écoutant cette musique ... Celle qui fut par ailleurs accompagnatrice d’Yvette Guibert, se révèle être une vraie poète des sons et les quatre archets se mettent au service d’un admirable sens du timbre de la plus fusionnelle manière. La cerise sur un gâteau de raretés en quelque sorte.
Le Festival Palazzetto Bru Zane se poursuit
3 + 4 = 7 : tel est le nombre d’archets réunis pour le bis ; une adaptation de la Habanera de Carmen partagée de la plus amicale et souriante façon entre les protagonistes de la soirée. Manière de rappeler que Bizet occupe une place centrale dans le Festival Palazzetto Bru Zane en cours. Il se refermera, le 2 juillet, par un gala Bizet à la Maison de la Radio, avec John Osborn, Alexandre Duhamel et le National sous la baguette de Bertrand de Billy. Bizet et ... Gounod : la version opéra-comique (1859) de Faust tient en effet l’affiche du 21 juin au 1er juillet à Favart dans la production de Denis Podalydès, très applaudie à Lille en mai dernier. Louis Langrée sera à nouveau en fosse pour l'événement lyrique parisien de fin de saison. (3)
Alain Cochard

(1) Signalons qu’un fonds Max d’Ollone (1875-1959) viendra dans les prochains mois s’ajouter à ceux déjà disponibles en libre accès sur Bru Zane Mediabase. Le PBZ annonce en outre la mise en ligne un vaste ensemble de lettres de guerre de Jacques de la Presle (1888-1969). www.bruzanemediabase.com/mediabase/fonds
(2) interprétée par François Salque, Hermine Horiot & Adrien Bellom
(3) www.concertclassic.com/article/faust-de-gounod-version-1859-lopera-de-lille-reprise-lopera-comique-du-2106-au-107-diables
Photo © Concertclassic
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