Journal

Cédric Tiberghien, Enrique Mazzola et l’Orchestre National d’Île-de-France à la Philharmonie – En direct avec Ludwig – Compte-rendu

Beethoven aujourd’hui ? Deux grandes options s’offrent aux interprètes : celle, traditionnelle, avec grand orchestre sur instruments modernes, ou celle, actuellement plus « tendance », sur instruments d’époque et en effectif réduit. Enrique Mazzola (photo), à la tête de l’Orchestre National d’Île-de-France, propose une convaincante solution intermédiaire : effectif réduit sur instruments modernes, en suivant, au plus près, non pas ce que l’oreille connaît ou attend, mais ce que Beethoven a écrit. Bien sûr, tout n’est pas parfait. On peut regretter quelques scories, mais qu’importe quand le souffle et la vision sont là !

Cédric Tiberghien et Mazzola n’en sont pas à leur première rencontre dans Beethoven. Leur complicité s’est même nouée autour du compositeur allemand et de l’intégrale de ses concertos pour piano, lancée en 2013. Le cycle se referme avec le 3ème Concerto couplé à la 5ème Symphonie – tandis qu’au disque le Concerto n° 1, accompagné de cette même Symphonie en ut mineur, paraît sous le label NoMaMusic (1)

Cécric Tiberghien © Jean-Baptiste Millot
 
Belle ouverture de saison pour l’Orchestre National d’Île-de-France ! Après une brillante mise en bouche rossinienne avec l’ouverture de Guillaume Tell (mention spéciale au violoncelle solo de Natacha Colmez-Collard !), Cédric Tiberghien prend place devant le grand Steinway pour le Concerto en ut mineur. Concentré, il capte immédiatement l’attention : jeu intelligent, intelligible, sans aucune esbroufe mais avec une palette de nuances qui nous font passer d’un perlé qui rappelle le pianoforte aux grands accords impériaux en duel avec l’orchestre. A part quelques rares rubatos dont on pourrait se passer, l’impératif beethovénien est là. Le pianiste se fait tout petit (!) devant une musique dont, à l’évidence, il est totalement imprégné – les 32 Sonates font depuis longtemps partie de son univers. Il déploie un magnifique « geste » : chaque motif, chaque articulation, chaque rythme concourt à l’immédiateté de l’expression.
© Eric Laforgue
 
Même élan en seconde partie. Les quatre célébrissimes accords qui ouvrent la 5ème résonnent avec urgence, à la limite de la précipitation contrôlée, bien loin de la solennité appuyée que l’on entend parfois. Mazzola offre un Beethoven dégraissé, mais jamais sec ; déchargé des emphases romantiques et nourri de l’apport des versions historiquement informées. C’est le résultat d’un travail d’orfèvre sur la partition et d’une conception plus chambriste et humaine qu’éclatante et héroïque.
De tous âges, comme toujours pour les concerts de l’ONDIF, le public montre son enthousiasme – n’hésitant pas à applaudir entre les mouvements – face à la conception simple, directe et engagée du maestro.
 
Reste que l’heure du passage de relai à la tête de l’Orchestre National d’Île-de-France approche. A la rentrée 2019, Case Scaglione prendra les rênes de la formation. On pourra bientôt entendre le chef américain puisqu’il dirige un programme Rouse, Khatchaturian et Moussorgski en tournée au cours du mois prochain (Alfortville, Massy, Rugis, Rambouillet, Paris ; 16-25 novembre). (2)
 
Gaëlle Le Dantec
 
Paris, Philharmonie (Grande Salle Pierre Boulez) ; 16 octobre 2018 / www.orchestre-ile.com
 
Photo © Eric Laforgue
 
Partager par emailImprimer

Derniers articles