Journal

Cardillac à la Bastille, retour gagnant


Allons, la cause est entendue, le vrai chef d’œuvre lyrique d’Hindemith n’est ni Mathis ni L’Harmonie du Monde, mais bien Cardillac qui met un point d’orgue à toute la première manière du théâtre d’Hindemith, celui de la myriade des brefs opéras expressionnistes, en y adjoignant ce qui deviendra la thématique privilégiée du compositeur : la place du créateur dans la société.

La production d’André Engel n’a rien perdu de sa limpide éloquence – avec au centre de l’œuvre le dédoublement de Cardillac qui s’imagine en rêve sous l’aspect d’un nain, éclairage psychologique foudroyant et révélateur – et retrouve même un allant plus dramatique, sinon moins marqué, sous la baguette incisive de Kazuchi Ono. Ses tempos un poil plus rapides comparés à ceux de Nagano, instillent une fièvre pernicieuse qui rappelle bien l’atmosphère des années vingt. Aucun décalage ne s’immisce entre la transposition moderne proposée par Engel et ce que la musique nous dit de l’œuvre. Franz Grundheber habite plus naturellement le personnage de l’orfèvre que ne le faisait Alan Held, même si il y met un art du chant plus frustre. Le reste de la distribution demeure inchangée, sinon David Bizic qui donne toute son autorité au Prévôt. Denoke toujours aussi idéalement jeune femme allemande, Ventris vaillant et prenant des risques physiques – il a bien failli tomber du toit – Bracht, parfait en vendeur d’or pilleur, Workman séduisant jusque dans l’extrême aigu d’un rôle décidément tendu.

Pour ne pas faillir à sa légende Hannah Esther Minutillo mit un point d’honneur à chanter très faux tout son rôle. A force de vendre des physiques à la place des voix… Dépêchez –vous, vous n’avez plus que trois représentations !

Jean-Charles Hoffelé

Paul Hindemith, Cardillac, Opéra Bastille, le 2 février, puis les 5, 12 et 16 février, 2008

Réservez vos places à l’Opéra de Paris

Photo : Opéra de Paris/Eric Mahoudeau

Partager par emailImprimer

Derniers articles