Journal
Brieuc Vourch et Guillaume Vincent signent leur premier disque (FARAO Classics) et jouent aux Musicales de Croissy – Une amitié musicale
Dans le flot des sorties de la rentrée, ne laissez pas passer le tout premier enregistrement de Brieuc Vourch et Guillaume Vincent, car derrière une jaquette un peu sage se cache un bel et frémissant moment de partage musical dans deux des grandes sonates pour violon et piano du répertoire : César Franck et Richard Strauss. (1)
Dans la classe d'Itzhak Perlman
On a pu entendre Brieuc Vourch à l'Août Musical de Deauville, au Centre de Musique de Chambre de la salle Cortot ou dans la saison des Pianissimes, mais le nom du violoniste n’est pas – pas encore – aussi familier qu'il le mériterait du public français, ce que l’on conçoit en considérant un parcours quelque peu atypique.
Après le CRR de la rue de Madrid, où il a travaillé avec Florin Szigeti, Brieuc Vourch (né en 1995) aurait pu prendre la direction de La Villette comme nombre de ses collègues, mais il a préféré s’envoler pour les Etats-Unis où – excusez du peu – il est entré à 13 ans à la Juilliard School, dans la classe d’Itzhak Perlman. Jusqu’à ses 17 ans, c’est là-bas que le Français a poursuivi son éducation violonistique.
Exigence technique et pragmatisme
Auprès de Perlman donc, mais aussi d’Aaron Rosand (1927-2019) – dont l’aide aura été très précieuse au moment l’installation de l’adolescent outre-Atlantique – ; deux maîtres dont la « force mentale » a beaucoup impressionné et marqué le jeune instrumentiste. Sous leur conduite, il mène exigeant travail technique : « Ces musiciens sont rattachés à l’école de violon d’Ivan Galamian, rappelle-t-il, une école extrêmement solide, méthodique, d’un grand pragmatisme dans l’approche du violon, dans la production du son. » Toutes les études de Rode, Dont, Kreutzer sont passées en revue dans un enseignement « sans vapeur d’eau », pour reprendre l’expression aussi imagée que parlante de Brieuc Vourch. Il n’est pas près d’oublier l’exemple d’Aaron Rosand qui, « à 80 ans faisait parfois encore trois heures de gammes par jour » ...
De New York à Vienne
A 18 ans, alors qu’il a été admis dans la « College Division » de la Juilliard, Brieuc Vourch décide de retrouver la vieille Europe et son cœur musical, Vienne, pour y recevoir l’enseignement d’un autre grand maître, Boris Kuschnir (un élève de Boris Belenki au Conservatoire de Moscou), avec lequel il travaillera assidûment là encore pour peaufiner sa technique et la mettre toujours plus au service de l’idée musicale.
Aujourd’hui Brieuc Vourch continue de recevoir les conseils de Daniel Gaele, qui fut Konzertmeister du Philharmonique de Vienne de 1994 à 2000. Un musicien d’expérience auprès duquel il réalise une forme de synthèse des apports dont il a pu bénéficier depuis ses débuts.
L’avenir ? Le violoniste français avoue qu’il le verrait bien au poste de Konzertmeister d’une grande formation symphonique germanique, mais on ne doute pas que, dans tous les cas, la musique de chambre conservera pour lui une place de choix, en particulier au côté du partenaire de prédilection qu’est pour lui Guillaume Vincent. Un partenaire, mais d’abord un ami de longue date avec lequel il aime partager la musique.
Perfectionner notre artisanat ensemble
Lorsque l’épisode du covid et du confinement est survenu, les deux artistes se sont retrouvés. « Ce disque n’est pas né de l’envie de « faire un disque », explique Brieuc Vourch ; nous avions pour objectif de nous enregistrer pour approfondir notre travail sur le son, la phrase, pour perfectionner notre artisanat ensemble. » En novembre 2020, dans l’Immanuelskirche de Wuppertal, ils osent, expérimentent, s’accordent en musique les espaces de liberté dont le contexte les prive comme tant d’autres ; le violon lumineux et expressif de l’un porté par le jeu richement timbré et très fouillé d’un pianiste dont la passion de la musique de chambre n’est plus à dire – mais qui est aussi, on ne l’oublie, un virtuose de premier ordre.
Le coup de foudre de Felix Gargerle
Les micros sont ouverts (Angelika Vitzhum est à la console) et il ressort de ces retrouvailles amicales et musicales une interprétation à la fois construite et spontanée, qui apporte une fraîcheur, un parfum de « première fois » à des partitions pourtant archi-rebattues. Brieuc Vourch et Guillaume Vincent ont l’occasion de faire entendre la bande issue de leur session de travail à Felix Gargerle, violoniste au Bayerische Staatsoper et ... responsable du label Farao Classics. Coup de foudre : il décide de l'inscrire parmi les références de son catalogue !
Créateur et programmateur avisé des Musicales de Croissy, Christian Onckelet avait repéré Brieuc Vourch et Guillaume Vincent il y a un moment déjà et les avait invités la saison passée. Concert annulé pour les motifs que l’on imagine... Reporté sur la saison 21-22, le rendez-vous se transforme donc en un concert de sortie de disque ce dimanche 26 septembre. Programme identique à celui de l’enregistrement : idéal pour prendre la mesure d’une complicité musicale aussi intense que convaincante !
Espérons que, côté enregistrement, les deux musiciens n’en resteront pas là car, après une Sonate de Franck aussi aboutie, on les imaginerait bien dans des sonates françaises fin XIXe-début XXe siècle ...
Alain Cochard
(Entretien avec Brieuc Vourch réalisé le 17 septembre 2021)
Brieuc Vourch & Guillaume Vincent
Œuvres de Franck et Strauss
26 septembre 2021 - 17h
Les Musicales de Croissy
Croissy-sur-Seine – Auditorium Chanorier
Infos/rés. : bit.ly/3nXDKtd
Saison 2021-2022 des Musicales de Croissy : lesmusicalesdecroissy.com/saison-2021-2022/
Photo © Andrej Grilc
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