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Bertrand Chamayou inaugure le 32e Festival Piano aux Jacobins - Magique ouverture - Compte-rendu

Magique ! On est d’autant plus prompt à qualifier ainsi la soirée inaugurale du 32ème Festival Piano aux Jacobins que chacun aura pu juger en direct sur Radio Classique – la beauté du cloître des Jacobins en moins - de l’extraordinaire intégrale des Années de Pèlerinage que Bertrand Chamayou a offerte dans sa ville natale.

Longue complicité que celle unissant l’interprète à la musique de Liszt et que de chemin parcouru depuis les Etudes d’exécution transcendante, très présentes au commencement de son parcours. En l’entendant à présent dans les Années - dont un enregistrement sort à l’automne chez Naïve -, on mesure la formidable maturation du son qui s’est opérée en quelques années. Oubliée la chrysalide du jeune-talent-français-prometteur car, s’il n’a qu’a peine plus de trente ans, l’artiste se montre pleinement maître son art et de son public – pas une once d’arrogance dans cet aplomb toutefois -, et manifeste un pianisme total, apte à restituer les richesses de l’œuvre-monde que forment trois Années de Pèlerinage réunies en une soirée.

Emerveillement impatient dès l’attaque La Chapelle de Guillaume Tell : la manière trop placide dont on aborde souvent « La Suisse » n’est pas pour un interprète qui renoue avec l’esprit du jeune Liszt – la source des 1ère et 2ème Années se situe à la fin de la décennie 1830. Entrée en matière formidable de vitalité, de désir ! Comme celui de Liszt, ce piano fait corps avec la respiration du monde ; palette de couleurs éblouissante dans Au bord d’une Source, Orage chauffé à blanc – Liszt ne s'était pas pour rien plongé dans la transcription de la « Pastorale » de Beethoven… – et mené avec une sonorité ample, symphonique, Vallée d’Obermann jamais alanguie et d’une stupéfiante densité poétique, Mal du Pays qui, comme c’est très rarement le cas, se donne la peine… de comprendre son titre.

On voudrait tout citer dans cette Première Année, comme dans une « Italie » non moins fascinante. La fulgurante Dante en est évidemment le cœur, mais de Spozalizio à l’ébouriffante Tarentella de Venezia e Napoli en passant par d’ardents Sonnets de Pétrarque, le jeu de Chamayou met en lumière la modernité du piano lisztien. Les couleurs se projettent dans l’espace ; l’inspiration tend la main au futur, à Albeniz, à Ravel, à Messiaen… On reste coi face à pareille maîtrise d’une matière sonore – admirable pédalisation ! – dont chaque nuance signifie.

On en prend d’autant plus conscience dans l’atmosphère raréfiée de la 3ème Année. Dans la touffeur de la nuit, le concert se mue en célébration. A côté des fameux Jeux d’eau, touchés par la grâce, c’est l’ensemble de ce cahier réputé difficile qui tient en haleine. On n’est pas près d’oublier le saisissant déploiement orchestral de Sunt lacrymae rerum, ni l’humble et bouleversante conclusion de Sursum corda, au terme d’une soirée triomphalement accueillie et d’emblée inscrite parmi les très grandes heures de Piano aux Jacobins.

Si vous l’avez manquée, notez sur vos tablettes que Bertrand Chamayou redonne l’intégrale des Années aux Listomanias de Châteauroux (28 oct.), à Martigues (Théâtre des Salins, 10 nov), au 2ème Festival « L’Esprit du Piano » de Bordeaux (26 nov.), à Paris (TCE, 28 nov.) et à Grenoble (MC2, 2 déc.).

Alain Cochard

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Toulouse, Cloître des Jacobins, 2 septembre 2011

32ème Festival Piano aux Jacobins (jusqu’au 28 septembre 2011) :
www.pianojacobins.com

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Photo : Laure Vasconi / Naïve

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