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Benvenuto Cellini selon Terry Gilliam à l’Opéra Bastille – Une kermesse héroïque – Compte-rendu
Cinéaste, scénariste, acteur et dessinateur, Terry Gilliam est un artiste aux multiples talents, connu pour s’être associé aux incorrigibles Monty Python avec lesquels il forma une troupe déjantée, adulée en Grande-Bretagne dans les années soixante-dix. L’univers baroque et barré dans lequel il évolua des années durant ne pouvait rester à l’écart de l’opéra, toujours prêt à réveiller des œuvres qui n’attendent qu’à se faire dynamiter.
En 2011, Terry Gilliam se voyait ainsi confier La Damnation de Faust à Londres (ENO), production suivie trois ans plus tard par Benvenuto Cellini, sa seconde incursion berliozienne faisant l’objet d’une vaste coproduction entre les opéras d’Amsterdam, de Rome, de Barcelone et de Paris.
John Osborn (Benvenuto Cellini) & Pretty Yende (Teresa) © Agathe Poupeney - OnP
Avec ses outrances, ses impertinences, ses scènes de liesse (cabaret, carnaval, atelier) extravagantes et bariolées construites autour du personnage principal, créateur survolté qui va tenir tête au Pape, Benvenuto Cellini n’est pas éloigné du monde imaginaire de Terry Gilliam auteur du remake des Aventures du Baron de Münchhausen en 1988, de Brazil en 1985 et des Frères Grimm en 2005. Déplacements, lumières et décors empruntés aux fameuses Prisons de Piranesi, gravures fantastiques animées par de vives images vidéo (Finn Ross), tout est spectacle et Gilliam ne lésine ni sur les effets (cirque, échasses, cascadeurs, jongleurs..), ni sur les moyens (marionnettes géantes, figurants, confettis..) pour transformer l’intrigue en un vaste show. Si les scènes de foule sont de loin les plus réussies comme celles de l’arrivée du Pape, juché sur un escalier roulant, véritable deus ex machina et le final « montypythonien » avec ces ouvriers fondeurs en action mélangés à des figurants et à des choristes en apothéose, les moments intimistes entre les amants, ou les solos, sont plus timides et laissent retomber le rythme par ailleurs haletant. Vingt-cinq ans après la lecture classique de Nicolas Krief sur cette scène (avec Chris Merritt dirigé par Chung) celle de Terry Gilliam offre une belle alternative à un public qui découvrait pour la plupart l’ouvrage de Berlioz.
© Agathe Poupeney - OnP
En insolent maître ciseleur, John Osborn, présent depuis Londres, est exceptionnel : diction française exemplaire, conduite vocale au cordeau, aigu resplendissant jusque dans l’impossible aria « Sur les monts les plus sauvages », il brave de plus l’Eglise de manière irrésistible. Malgré ses efforts pour chanter dans un français compréhensible, Pretty Yende est une bien pâle Teresa qui sautille comme une adolescente (elle est censée avoir 17 ans…) et dont la voix paraît vite sous-dimensionnée ; ce qui n’est pas le cas de celle de Michèle Losier, parfaite en Ascanio dévergondé pour qui l’air « Mais qu’ai-je donc ? » semble avoir été composé. Balducci, l’exécrable père de Teresa, campé par Maurizio Muraro, semble bien essoufflé, tandis que le Fieramosca d’Audun Iversen est presque comparable à celui de Laurent Naouri. Marco Spotti fait de l’effet en Pape Clément, même si l’instrument n’est pas gigantesque, Rodolphe Briand tirant son épingle du jeu en Pompeo.
Adepte des grandes fresques, même si celle-ci n’a pas encore atteint la splendeur des futurs Troyens, Philippe Jordan fait valoir ses qualités d’orfèvre du son et cisèle les éléments disparates et inégaux de la partition à partir d’un orchestre aux timbres incandescents. Ne sombrant jamais dans la facilité qui serait de souligner les nombreux aspects clinquants de l’ouvrage, dont les excès sont parfois proches d’une immense kermesse, le chef suisse excelle à soigner les atmosphères et à tempérer le parti pris « all comedy » du metteur en scène. Mention spéciale enfin pour les flamboyants chœurs préparés avec soin par José Luis Basso.
François Lesueur
Berlioz : Benvenuto Cellini – Paris, Opéra Bastille, 20 mars ; prochaines représentations les 23, 26, 29 mars et les 1er, 4, 7, 11 et 14 avril 2018 / www.concertclassic.com/concert/benvenuto-cellini
Photo © Agathe Poupeney – Opéra national de Paris
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