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Beethoven par Andreas Staier et Pierre-Laurent Aimard à l’Opéra de Dijon - Fortunes diverses - Compte-rendu


« 7 jours, 7 concerts » : voilà l'intitulé du programme copieux proposé par l'Opéra de Dijon. Musique symphonique, musique de chambre, musique contemporaine, formations multiples, le menu ne manque pas d'ambition, mais peut-être parfois de lisibilité. Petit point de repère : à quelques jours d'intervalle, les Concertos pour piano nos 4 et 5 de Beethoven se répondaient avec des approches diamétralement opposées... et des fortunes diverses.

La déception est venue du plus expressionniste des orchestres baroques, le Freiburger Barockorchester. La vivacité habituelle de la formation suisse, qui fait merveille chez Haendel ou Haydn sous la conduite de René Jacobs, se transforme dans le Quatrième Concerto sous la direction pataude de Gottfried von der Goltz, en un Beethoven souffreteux. Son métallique, timbres uniformes, bois et cuivres aux abonnés absents (et pas seulement dans le deuxième mouvement !), même le pétaradant rondo final manque d'assise et de relief. On a le sentiment d'apercevoir la charpente d'une œuvre sans que jamais la musique ne réussisse à prendre corps. C'est sans doute le revers d'une exécution par trop chichiteuse sur instruments d'époque, chaque musicien semblant davantage se préoccuper du son qui lui est propre, plutôt que d'un équilibre global. La musicalité est là. Pas le souffle, ni la chair. En introduction, l'inutile Kontra-Konzert signé Brice Pauset, compositeur en résidence, n'arrangeait pas les choses. « A mi-chemin entre la composition et la transcription », selon les dires de l’auteur, et finalement nulle part, ce long prologue bruitiste décomposant l'orchestre et éclatant les pupitres ne faisait que déséquilibrer un peu plus l'orchestre.

Heureusement, dès l'ouverture en solitaire du Concerto en sol majeur, Andreas Staier impose sa sérénité et son chant mozartien. Au pianoforte, il a ce mélange de rigueur et de grâce taquine qu'on retrouve dans la formidable cadence du premier mouvement et qui imprègne l'ensemble de l’oeuvre. Dommage qu'il n'ait pas trouvé ce soir-là en l'orchestre un véritable partenaire. D'autant que la destruction inopinée de la pédale de son instrument nous aura privés d'un bis. Ce n'était décidément pas le jour !

Le bon jour, était en revanche celui du flamboyant Concerto « Empereur » dirigé quelques jours auparavant par un Pierre-Laurent Aimard (photo) en pleine gymnastique conjuguée de soliste et chef. Beethoven n'a plus de secret pour le Chamber Orchestra of Europe qui a gravé une version des 5 Concertos avec le pianiste lyonnais et N. Harnoncourt, et s’attelle à une intégrale des Symphonies qui s'achèvera en mars prochain à Pleyel sous la baguette de Bernard Haitink. Un Beethoven terrien, glorieux, revigorant, à la marche triomphante et aux pupitres luxuriants, parfaitement équilibrés. Joie, souffle, couleurs ; tout est là ! Pour que la fête soit complète, P. L. Aimard a eu la bonne idée de composer en miroir un merveilleux complément de programme sur des variations autour de la forme concertante. Des Contrastes pour violon, clarinette et piano de Bartok au superbe Concertino brisé de Janacek où les instruments interviennent chacun à leur tour comme soliste, en passant par les splendides jeux de textures et d'atmosphère de Ligeti dans son Kammerkonzert pour 13 instruments, Aimard n'hésitait pas à partager la vedette avec les formidables solistes du Chamber Orchestra. C'est tout à l'honneur de l'Opéra de Dijon de proposer des interprètes de cette trempe sur des programmes aussi audacieux. Ce soir-là, le bonheur était complet.

Luc Hernandez

Dijon, Opéra - 16 et 21 octobre 2011

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Photo : DR

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