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Bach et Telemann par Núria Rial et Café Zimmermann à Aix-en-Provence – Baroque Noël – Compte-rendu

 

C’est un joli duel musical, Telemann vs Bach, que Café Zimmermann vient de proposer en guise de concert de Noël au cœur de la bonbonnière aixoise qu’est le théâtre du Jeu de Paume. Confrontation délicieuse qui mêlait des pages instrumentales (Ouverture à la Pastorelle TWV 55:F7, Prélude et fugue BWV 884, Sonate en trio BWV 1038, Quatuor TWV 43:G5) et des cantates pour la période de la Nativité (« O Jesu Christ, dein Kripplein » TWV 1:1200, des extraits de « Der jüngste Tag » TWV 1:301, les arias « Süsser Trost, mein Jesus kömmt » du BWV 151 et « Wie lieblich klingt » du BWV 133).
 
Pour la partie vocale, Núria Rial (photo) dialoguait avec l’octuor du jour de Café Zimmermann, retrouvant, pour la circonstance, des instrumentistes avec lesquels elle a déjà eu l’occasion de travailler. Visage de Madone, sourire au lèvres, regard lumineux et charme distingué, la soprano s’est ainsi présentée sur la scène pour livrer la musique avec assurance et élégance. Que ce soit pour Telemann ou pour Bach, son interprétation est empreinte de douceur et de sérénité, sans pour autant délaisser les « marques de fabrique » des deux compositeurs : structure et rigueur chez Bach, légèreté parfois enjouée chez Telemann. Un exercice frappé du sceau de l’excellence avec une voix précise, directe et très franche, sans fioritures inutiles et pourvue d’un vibrato totalement maîtrisé au service de son art.
 

© DR
 
Pour accompagner l’artiste catalane, les instrumentistes qui fréquentaient le Café Zimmermann ce soir là, ont eux aussi fait dans la précision et l’excellence. Rappelons que l’ensemble, en résidence au théâtre du Jeu de Paume à Aix-en-Provence depuis 2011, créé et codirigé par la marseillaise Céline Frisch (claveciniste) et Pablo Valetti (violon) est majoritairement composé de musiciens issus de la Schola Cantorum de Bâle qui se réunissent en plus ou moins grand nombre selon les œuvres interprétées.

Reconnue comme l’une des formations idéales pour servir Bach, Café Zimmermann n’a aucun mal à aborder le répertoire des autres compositeurs baroques ; une riche discographie en témoigne. Pour ce concert de Noël, comme ils en ont la bonne habitude, le raffinement présidait à leurs interprétations. Le regard souvent tourné vers Pablo Valetti et son archet de directeur musical, chacun des interprètes obtient, sans peine, le meilleur de son instrument pour servir de façon idéale les œuvres de Bach et Telemann. A l’instar de Nuria Rial, les musiciens ont, eux aussi, l’occasion de mettre en valeur les spécificités d’écriture des deux compositeurs. Même pour célébrer Noël, Bach ne se départit pas d’une profonde spiritualité et de son sens de la structuration. Telemann, lui, opte pour un peu plus de liberté joyeuse. Aux côtés des cordes somptueuses, soyeuses et colorées de Pablo Valetti et Mauro Lopes Ferreira (violons), Maria Pujolras (alto), Petr Skalka (violoncelle) et Davide Nava (contrebasse), le hautbois et le traverso très présents de Suzanne Regel et Karel Valter structurent le discours avec bonheur, Céline Frisch, à l’orgue positif apportant sa qualité d’interprétation et une grande solidité au troisième pilier de l’édifice musical.
 
Fruit délectable d’un long travail effectué en amont, ce concert aurait mérité de poursuivre sa vie au long des jours qui mènent à Noël. Il ne demeurera qu’un unique exemplaire dont nous aurons eu le grand plaisir de profiter l’espace d’une soirée … Quant aux musiciens de Café Zimmermann, c’est en Pologne, à Gdansk plus précisément, qu’ils donnent dans quelques jours les Cantates BWV 55 et 82 en compagnie de Rupert Charlesworth en attendant de retrouver Alexander Melnikov pour un face à face Bach / Mozart qui, après un concert au Grand Théâtre de Provence en janvier prochain, fera l’objet d’un enregistrement.
 
Michel EGEA

 Aix-en-Provence, Théâtre du Jeu de paume, 29 novembre 2022

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