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Autour de l’exposition « Splendeurs et misères » au musée d’Orsay – Le plus vieux métier du monde et la musique

Réputée le plus vieux métier du monde, l’activité de courtisane ou de prostituée traverse allègrement les âges et les conditions sociales. Au XIXe siècle, elle s’intègre clandestinement au paysage urbain, devient spectacle ­— de rue, comme d’arrière-salle de brasseries ou de maisons closes. Spectacle haut en couleurs nocturnes, en poses savamment ambiguës, qui inspire les peintres. De l’Olympia de Manet aux Demoiselles d’Avignon du jeune Picasso, des gravures de Félicien Rops aux toiles de Toulouse-Lautrec ou de Degas, le musée d’Orsay n’avait que l’embarras du choix pour illustrer avec faste son exposition « Splendeurs et misères, images de la prostitution 1850-1910 ».
 

La Goulue © DR
 
Pour le côté « splendeurs », on trouve les tableaux mondains de Gervex, de Degas, de Boldini, évoquant le prestige et l’éclat de l’Opéra (le Palais Garnier, inauguré en 1875), ses coulisses, son corps de ballet, son traditionnel bal masqué. Dans son article sur Constantin Guys, « peintre de la modernité », Baudelaire le remarquait déjà : « les considérations relatives à la courtisane peuvent s’appliquer à la comédienne, car, elle aussi, elle est une créature d’apparat, un objet de plaisir public ».
Avec son mélange trouble d’exhibitionnisme et de voyeurisme, le spectacle, de théâtre ou de musique, participe à ce climat d’érotisme diffus et de transgression morale. D’autant plus qu’en cette fin de XIXe siècle, les cabarets autour de Montmartre font florès, du Chat noir (successeur du Lapin agile) au Mirliton, d’Aristide Bruant.

 

Nathalie Joly © S. Boegly - Musée d'Orsay
 
Directeur artistique de l’Auditorium du musée d’Orsay, Luc Bouniol-Laffont a eu l’heureuse idée, pour lancer la programmation musicale qui accompagne l’exposition, de s’adresser à la chanteuse Nathalie Joly. Dans la veine de son précédent spectacle, « Un je-ne-sais-quoi », consacré à l’art de diseuse d’Yvette Guilbert, elle a conçu ce « Café Polisson », lieu de rendez-vous à la fois esthète et grivois, érudit et canaille. Par son ingénieuse décoration, le plateau de l’auditorium semble prolonger un tableau de Toulouse-Lautrec, tréteaux de cabaret autant que salon de maison close. Entourée d’une danseuse garçonne et longiligne, façon Valentin le Désossé, d’une joueuse de bandonéon, pour le spleen, et d’un pianiste, Nathalie Joly revisite, d’un timbre à saveur d’absinthe, les classiques du caf’conc’ - dont l’énigmatique et célèbre Madame Arthur. Sans racolage. 
 
Quant aux récitals de mélodies qui suivront, ils complètent subtilement ce panorama des courtisanes fin-de-siècle, ou des « grandes horizontales » de la Belle Epoque. Si Felicty Lott (1/10) (photo) croque cocottes (« J’ai deux amants », extrait de L’Amour masqué, de Sacha Guitry et André Messager) et demi-mondaines (La Dame de Monte-Carlo, du tandem Cocteau-Poulenc), Annick Massis (8/10) joue la carte de l’exotisme le plus rare, avec les Quatre chansons de geishas d’Henri Tomasi, et Les adieux de l’hôtesse arabe de Bizet — voluptueuse habanera mahométane, sur un poème de Victor Hugo (Les Orientales). Il revient enfin à Magali Léger (9/01/16), soutenue, si l’on ose dire, par les flambards Lunaisiens d’Arnaud Marzorati, de faire revivre gommeuses et pierreuses, à travers le répertoire des chansonniers, au temps des romans de Guy de Maupassant (La Maison Tellier, Boule de Suif) et d’Emile Zola (Nana).
 
 Gilles Macassar

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« Splendeurs et misères, images de la prostitution 1850-1910 », musée d’Orsay,  jusqu’au 17 janvier 2016 / www.musee-orsay.fr
 
 
Café Polisson
Mise en scène Jacques Verzier, avec Nathalie Joly (chant), Jean-Pierre Gesbert (piano), Louise Jallu (bandonéon), Bénédicte Charpiat (danse)
3 et 10 octobre (16h), 15 octobre 2015 (20h30)
 
Récitals
Felicity Lott (soprano) & Graham Johnson (piano)
Œuvres de Schubert, Brahms, Wolf, Barber, Weill, Lehár, Schumann, Poulenc, Messager, Hahn, etc.
1er octobre 2015 – 20h30
 
Annick Massis (soprano) & Antoine Palloc (piano)
Œuvres de Tomasi, Berlioz, Bizet, Gounod, Vivaldi, Verdi & Donizetti
8 octobre 2015 – 20h30
 
La vipère du trottoir
Magali Léger (soprano), La Clique des Lunaisiens, dir. Arnaud Marzorati
5 janvier (12h 30) et 9 janvier (16h) 2016
 
Opéras filmés (à 15 h) :
La Traviata, production de La Fenice, avec Patricia Ciofi présentation par Robert Carsen (4. oct. 2015)
 
Carmen, production du festival d’Edimbourg filmée à l’Opéra Comique, avec Teresa Berganza et P. Domingo (11 oct. 2015)
 
La Périchole, production de l’ORTF, avec Jane Berbié (18 oct. 2015)
 
Programmation détaillée sur : www.musee-orsay.fr
 
Photo Dame Felicity Lott © Musée d’Orsay – S. Boegly

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