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​Armida en version de concert à l’Opéra de Marseille - Nino Machaidze et Enea Scala : duo de feu pour Rossini – Compte-rendu

Après une ouverture de saison vocalement réussie au cours de laquelle Guillaume Tell avait transpercé la pomme à défaut de la croquer, l’Opéra de Marseille reste fidèle à Rossini en ce début novembre. Pour la première fois de l’histoire de l’institution lyrique phocéenne, Armida y est donné en version concert avec une prise de rôle-titre pour la soprano géorgienne Nino Machaidze.
 

Nino Machaidze (Armida) © Christian Dresse
 
Aimer ou se venger, il faut choisir ! « Plaquée » par son amant Rinaldo en quête de gloire sous les remparts de Sion, la reine/magicienne Armida choisira la vengeance et convoquera in fine ses furies afin de poursuivre le Franc Croisé retourné au combat. Lorsqu’il compose Armida en 1817, le cœur de Rossini ne bat que pour Isabella Colbran, soprano qui est alors sa maîtresse et deviendra son épouse cinq ans plus tard. Il faut croire que « qui aime bien châtie bien » car la difficulté de la partition écrite pour la voix de la femme qu’il chérit ressemble parfois, du fait de sa complexité et de sa difficulté, à un cadeau empoisonné.
 
Ce « cadeau », Nino Machaidze n’a pas hésité à l’ouvrir pour la première fois de sa carrière à même pas quarante printemps, à l’invitation de Maurice Xiberras ; et l’on peut dire que le directeur de l’opéra de Marseille a eu du nez… Avec grâce et aisance vocale, la colorature se joue des chausse-trappes d’une partition plus que redoutable. Les aigus sont maîtrisés et superbement projetés, son mezzo est délicieux et elle excelle dans l’art de l’ornementation, jouant avec un vibrato toujours utilisé intelligemment. Nino Machaidze arrive à donner du corps, même en version concert, à un rôle écartelé entre l’amour d’une reine et la haine d’une magicienne. Du grand art.
 

Enea Scala (Rinaldo) © Christian Dresse
 
A Marseille, devenue sa ville de cœur, le sicilien Enea Scala a troqué les habits d’Arnold du « Guillaume Tell » précédent pour le costume de scène à revers rouge de Rinaldo. Une partition que le ténor connaît sur le bout des doigts et dans l’interprétation de laquelle il a une nouvelle fois excellé. En vrai « baryténor » il sait soigner ses graves puis grimper dans l’aigu sans marquer avec une capacité de projection peu commune. Union parfaite avec la soprano pour livrer des duos d’amour enflammés, de ceux qui, nous apprend la plaquette de présentation de cette production, faisaient écrire à Stendhal, de façon olé-olé, dans une lettre adressée à Adolphe de Mareste : « Rossini a fait dans Armida un duo qui vous fera bander pendant dix jours » … Rien que ça !
 
Quatre autres rôles reviennent à des ténors, ceux de Gernando et Ubaldo confiés à Chuan Wang et ceux de Goffredo et Carlo à Matteo Roma. Le premier est convaincant avec une belle ligne de chant et une projection maîtrisée derrière un orchestre situé au parterre pour raisons sanitaires. Matteo Roma, lui, est plutôt en retrait au premier acte avant de s’affirmer au troisième livrant de beaux duos avec C. Wang, avant un trio final fort apprécié, Enea Scala ayant rejoint ses deux collègues. Les excellents Gilen Goicoechea et Jérémy Duffau complétent cette distribution de haut niveau.
 
 

José Miguel Pérez-Sierra © Christian Dresse  

C’est désormais un lieu commun que de l’écrire, le chœur de l’Opéra préparé par Emmanuel Trenque a été d’un niveau remarquable, tour à tour héroïque et séduisant, toujours présent, précis et rigoureux.
Quant à la direction du très rossinien maestro José Miguel Pérez-Sierra, elle a mis en valeur toutes les subtilités d’une partition originale. Le ballet final du 2acte prend une allure de festival pour les vents d’un orchestre de Marseille qui a sonné à la perfection tout au long de la soirée. Du bonheur vous dit-on, en attendant le Voyage dans la lune d’Offenbach, mis en scène par Olivier Fredj, qui promet d’égayer la fin de l’année.
 
Michel Egéa

Rossini : Armida (version de concert) - Opéra de Marseille, le 3 novembre ; prochaine représentation le 5 novembre 2021 // opera.marseille.fr/programmation/opera/armida
 
Le Voyage dans la lune, 5 représentations du 26 décembre 2021 au 4 janvier 2022 // opera.marseille.fr/programmation/opera/le-voyage-dans-la-lune
 
Photo © Christian Dresse

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