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Arielle Beck en récital au Théâtre de Champs-Elysées – Savoir où l’on va – Compte rendu

La jeune pianiste a beau être déjà très aguerrie et habituée de grandes salles, l’épreuve d’un tout premier récital au théâtre des Champs-Elysées constituait une forme défi : elle l’a relevé avec maestria lors d’un rendez-vous du dimanche matin. On a déjà eu l’occasion de le souligner il y a peu en commentant son tout premier album (Schumann, Brahms, Beck) sorti chez Mirare, Arielle Beck s’impose comme une interprète d’une incroyable maturité. Rien de ces petits prodiges que l’on considère de façon mi-intriguée, mi-amusée, mais ce qu’il convient d’appeler une élue qui, à seulement 16 ans, prouve face aux plus complexes partitions qu’elle possède des clefs que d’autres ne découvrent qu’après de longues années – quand ils ne passent pas leur vie à courir après ...

© Cyprien Tollet
Simplicité et autorité
Entrée en scène avec le calme de celle qui sait où elle va ... Un ami l’attend : Robert Schumann avec sa 1ère Sonate en fa dièse mineur ; véritable océan de musique et de sentiments dans lequel il est facile de se noyer ... Elle sait où elle va et vous en procure le sentiment, vous en donne la certitude plutôt dès l’Introduzione, avec autant de simplicité que d’autorité. Clara, la passion amoureuse, la poésie romantique, etc. : elle a connaissance de tous ces aspects, mais se souvient aussi, et d’abord, que le compositeur est un fils spirituel de Bach. Arielle Beck chemine dans l’Opus 11 avec la conscience la plus aiguë de la polyphonie et, dans le premier mouvement, comme dans les trois qui suivront, parvient par son art des contrechants à éclairer des détails insoupçonnés du texte, à en renouveler l’écoute. Comme dans une Aria merveilleuse de pudeur et de tendresse, un Scherzo impecccablement tenu, intense et remarquable de précision dans la dynamique, avant un finale où elle ne cherche pas à « faire schumanien », à forcer l’expression, mais tient en haleine et émeut, profondément, par une musicalité frémissante et une clarté de propos jamais prise en défaut.

© Cyprien Tollet
Urgence et humanité
La réussite n’est pas moindre dans la Sonate en la mineur D. 784 de Schubert. Allegro giusto : on est admiratif de la densité de son avec laquelle elle s’empare de la musique et touche d’emblée à ce qu’elle comporte de plus intime. Solitude, résignation : tout est compris et traduit sans rien de surjoué, là comme, après un Andante d’un lyrisme dénué d'illusions, dans un finale urgent et pétri d’humanité. Un compositeur chez qui on espère retrouver souvent la pianiste ...
Jouissance musicale et poétique
À Mendelssohn revient la conclusion du programme, avec une œuvre chère au cœur de l’interprète : les Variations sérieuses. Une partition prise parfois d’un peu haut par certains pianistes et auditeurs – bien à tort – qu’Arielle Beck explore de la plus belle façon. Elan, fluidité, variétés des coloris et des caractères : le processus de transformation du thème s’offre à l’auditeur avec une jouissance musicale et poétique proprement irrésistibles !
Deux bis : Rondo capriccioso du même Mendelssohn, féerique sous des doigts ailés, et Berceuse de Chopin, distillée avec une rare science du timbre. Du très grand art.
Alain Cochard

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 12 octobre 2025
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