Journal

Arabella en version de concert au Théâtre des Champs-Elysées – Arabell’Harteros – Compte-rendu

Pouvoir applaudir chaque année les forces de l'Opéra d'Etat de Bavière est un luxe suprême rendu possible par la direction du TCE. Un tel partenariat permet aux Parisiens d'entendre l'un des plus beaux orchestres d’Allemagne avec celui de Berlin, dirigé par les plus grands chefs et de retrouver quelques-uns des artistes les plus éminents du moment. En 2017 la version concertante d'Andrea Chénier avec Kaufmann et Harteros avait transporté l'auditoire, deux ans après une luxueuse Ariadne auf Naxos conduite par Kirill Petrenko, avec dans le rôle-titre Amber Wagner qui remplaçait Anja Harteros (photo) souffrante. L'astre munichois était de retour vendredi dernier : étincelante dans ce rôle de jeune fille exaltée, en quête du grand amour, la soprano s'est une nouvelle fois distinguée de ses consœurs par l'extrême élégance de son interprétation vocale et dramatique. Transparence du phrasé straussien déroulé sur le souffle, liquidité absolue de l'émission, splendeur de l'intonation et plénitude des aigus semblant se régénérer à l'infini, elle est après Lott et Fleming une digne héritière de Della Casa dont le souvenir reste à jamais lié à un personnage auquel elle était prédestinée.
 

Constantin Trinks © DR
 
Comme sur la scène du Staatsoper en 2015 (1), sa sœur Zdenka est joliment tenue par Hanna-Elisabeth Müller, soprano ailé mais dont la matière vocale et le fort tempérament confèrent à cette cadette, contrainte de masquer son identité pour échapper au mariage et apparemment fragile, un caractère parfois négligé.
La présence du légendaire Kurt Rydl dans le rôle du facétieux et indécrottable Comte Waldner suscite l'émotion, comme celle de Doris Soffel toujours fringante en Adelaide, les prétendants d'Arabella assurant avec des bonheurs divers les silhouettes d'Elemer (Dean Power), de Dominik (Sean Michael Plumb) et de Lamoral (Callum Thorpe), l'excessif Matteo revenant à l'honorable Daniel Behle, Sofia Fomina ne faisant qu'une bouchée des envolées de Milli. De par son physique et sa carrure vocale, Michael Volle est presque une évidence en Mandryka : balourd et timide, ce demi-paysan plus à l'aise face à une ourse que pour danser la valse, trouve en ce baryton un intercesseur fidèle entre la musique de Strauss et les paroles d'Hofmannsthal. On peut pourtant lui préférer les failles et les hésitations qu'avait su y glisser plus subrepticement et plus subtilement encore Thomas Hampson, dans la production de Peter Mussbach présentée au Châtelet en 2002.

A la tête de la phalange munichoise, sur ses terres de prédilection, Constantin Trinks ne saurait être comparé au maestrissimo Kirill Petrenko, son honnête direction se contentant de faire avancer l'action certes sans heurt, mais sans surprise non plus, dans une continuité d'esprit qui ne peut suffire à l'ouvrage de Strauss
 
François Lesueur

(1) Mise en scène Andreas Dresen/Direction Philippe Jordan

Strauss : Arabella (version de concert) / Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 10 janvier 2019

Photo © Marcus Tedeskino

Partager par emailImprimer

Derniers articles