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Anja Harteros, Philippe Jordan et l’Orchestre de l’Opéra – Triomphe mérité – Compte-rendu

 Le dernier concert de l'Orchestre de l'Opéra de Paris, dirigé par Philippe Jordan, s’est déroulé devant une salle comble, peu après le premier spectacle donné en commun avec Benjamin Millepied, dans lequel Bizet et Ravel étaient célébrés.

Au programme, la Symphonie en ut majeur de Bizet, jouée avec une grande liberté de ton et d'esprit et avec la volonté de restituer au public un chef-d'œuvre, même s'il ne s'agit que d'une partition de style classique, mais à l'écriture ambitieuse. Souplesse des phrasées, ample respiration, Jordan a dirigé la partition d'un geste vigoureux qui rappelait la jeunesse de l'auteur alors âgé de 17 ans. Paré de toutes les attentions, l’Adagio brillait d'une beauté immatérielle, grâce à l'intervention du hautbois solo dont les traits mélancoliques ne sont pas sans préfigurer l’air de Nadir dans Les pêcheurs de perles.

Suivait la scène finale de Capriccio de Strauss avec en soliste Anja Harteros (photo). Dans le sillage de Schwarzkopf, Della Casa, Lott et Fleming, la cantatrice allemande a merveilleusement exécuté cette page, vibrante comtesse, au port altier et à la ligne de chant souveraine, emportée dans le tourment de ses réflexions littéraires et sensuelles, sous les rayons argentés de la lune que Jordan s'est plu à faire scintiller, en semblant les retenir un à un avant qu'ils ne se dissipent.
 
Consacrée à Ravel, la seconde partie a permis de retrouver le chef et son orchestre dans un répertoire où ils excellent désormais. Avec une fougue contagieuse, Jordan - sans partition sous les yeux -  a atteint dans Daphnis et Chloé des sommets de clarté et de transparence, engageant chaque pupitre à un dépassement de soi vertigineux. Pierre d’achoppement de cette symphonie chorégraphique pour orchestre et chœur, les passages avec les flûtes, d'une extraordinaire définition sonore, tenaient du miracle, impression confirmée pendant La Valse d'une liquidité proprement stupéfiante. Un triomphe mérité.
 
François Lesueur
 
Paris, Opéra Bastille, 16 juin 2014
 
 Photo © DR

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