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Andrea Chénier à Athènes (Streaming) – Ô caméra, cruel couperet ! – Compte-rendu
Tout comme les sans-culottes voulaient suspendre tous les aristocrates à la lanterne, on a parfois l’impression que les caméramans qui filment des spectacles d’opéra veulent la tête des chanteurs. S’ils n’étaient pas animés d’intentions sanguinaires, pourquoi multiplieraient-ils ces impitoyables gros plans qui ne nous épargnent rien de l’irréparable outrage des ans, auxquels les chanteurs lyriques sont soumis autant sinon plus que le commun des mortels ?
Dans cette captation d’Andrea Chénier disponible sur le site de l’Opéra d’Athènes, la tête de Marcelo Álvarez avait-elle été mise à prix ? On serait tenté de le croire, tant l’image semblent s’acharner sur le ténor argentin : certes, il paraît légitime de filmer de près un duo d’amour, par exemple, mais quand cela revient à souligner cruellement les efforts de l’artiste, est-ce bien nécessaire ? A ce stade de sa carrière, Álvarez possède encore le volume et l’énergie souhaitables pour incarner le poète guillotiné, mais que son chant paraît désormais dépourvu de toute séduction ! Les gros plans révèlent un chanteur à la peine, dont la ligne vocale est hachée par des respirations intempestives, très loin du charme qui devrait être celui du personnage.
© A. Simopoulos
Le baryton grec Dimitri Platanias n’est pas forcément plus avantagé par les gros plans, mais Carlo Gérard n’est pas censé plaire, et dans son cas, l’émission a conservé une plus grande intégrité et la caméra le dessert donc finalement moins. Maria Agresta, elle, est parfaitement télégénique et apparaît ici entièrement maîtresse d’un rôle qui convient tout à fait à sa voix et à son style ; au sein du trio central, c’est donc sur Maddalena que les yeux se fixeront en priorité, même si la mise en scène traditionnelle signée Nikos Petropoulos n’a rien de bien palpitant et inclut même quelques détails qui gagneraient à être corrigés. Peut-on ainsi croire que Mademoiselle de Coigny traverse toute la tourmente révolutionnaire vêtue de la même robe immaculée, et avec la même fleur dans les cheveux ? C’est seulement au dernier tableau qu’on la voit habillée de façon plus réaliste. Le décor monumental se transforme suffisamment pour évoquer les différents lieux de l’action, mais on s’étonne qu’en prélude à certains changements, des parties de cette scénographie se déplacent à vue, alors que le rideau tombe quelques secondes plus tard.
Philippe Auguin © DarioAcostaPhotography
Parmi la masse des rôles secondaires, on relève notamment l’Incroyable plein d’assurance de Christos Kechris et le solide Roucher de Yanni Yannissis, mais la voix d’Ines Zikou en Madame de Coigny paraît bien usée en dehors du grave. Le chœur fait correctement ce qu’il a à faire, et l’orchestre dispense de beaux moments, Philippe Auguin dirigeant d’une baguette fluide cette partition (de 1896) dont l’intérêt, il faut bien le reconnaître, réside avant tout dans ses quelques grands airs, devenus chevaux de bataille des ténors et sopranos aptes à aborder le vérisme.
Laurent Bury
Giordano : Andrea Chénier – Athènes, Opéra national de Grèce ; disponible du 31 mars au 31 juillet 2021 sur tickets.public.gr/
Photo © A. Simopoulos
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