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Ali-Baba de Lecocq à l’Opéra Comique – Trop sage – Compte-rendu

Ali Baba de Charles Lecocq à l'Opéra Comique

« Secouez, secouez, secouez-moi ! » trépigne la petite bouteille orange… Le charmant opéra-comique de Lecocq en réclame autant et, hélas, on le lui refuse. Mise en scène bien trop sage que celle d’Ali-Baba selon Arnaud Meunier. L’idée de la transposition à l’époque moderne et de la transformation du rôle-titre en un « ingénieur de surface » dans un grand magasin, Cassimiprix, se défend. On passerait volontiers sur des décors plutôt cheap (hormis pour la scène de la grotte, réussie) et d’assez vilaines lumières, si ne se posait continûment un problème de manque de rythme, d’absence de fluidité dans une production plombée par ses changements de tableaux. C’est quelques ingénieurs de surface de plus qu’il eût fallu au I pour expédier la chose à vue ! Las, le spectacle s’enlise d’emblée et ne parvient jamais – en ce soir de première en tout cas ; espérons que les choses évolueront au fil des cinq représentations restantes - à prendre son élan. N’est pas Michel Fau dans Ciboulette qui veut, certes, mais quand, au moment des saluts, on voit la jeunesse de l’équipe qui s’est attaquée à cet Ali-Baba, on se dit qu’elle pèche franchement par manque de fantaisie et d’impertinence. Et quand la sauce ne prend pas…
 

Ali Baba de Charles Lecocq à l'Opéra Comique

On le regrette d’autant plus que les ingrédients sont de qualité. Le Comique a réuni une distribution assez épatante : le sympathique Ali-Baba de Tassis Christoyannis manque d’un peu de peps et de mordant, mais ne fait finalement que se mettre à l’unisson de la mise en scène. Toute de fraîcheur et de piquant Sophie Marin-Degor offre une très jolie Morgiane. Christianne Bélanger campe une impayable Zobéide, mi-nympho mi godiche, parfaitement appariée à un Cassim dont François Rougier accompagne la métamorphose avec talent. Il trouve en Philippe Talbot (Zizi) un partenaire drôle et d’une présence rayonnante. L’Opéra Comique a puisé dans le riche vivier de son Académie pour ce spectacle : outre Christianne Bélanger, Vianney Guyonnet se distingue en Kandgiar, tout comme Mark van Arsdale pour un charmant Saladin à l’accent british.
En fosse, Jean-Pierre Haeck mène ses troupes de l’Orchestre de l’Opéra de Rouen avec finesse et élégance, mais ne fait pas suffisamment pétiller la partition de Lecocq. A sa décharge, la régie d’Arnaud Meunier ne l’y incite guère…
 

Ali Baba de Charles Lecocq à l'Opéra Comique

On ne manquera par de donner un coup de chapeau enfin au Chœur Accentus, très bien préparé par Christophe Grapperon. Espérons que la nouvelle direction du Comique confiera la baguette pour certaines de ses productions à cet artiste qui  – il l’a prouvé avec la compagnie Les Brigands  – comprend et sait oser tout un répertoire de musique légère, si délicat à faire renaître.

Sur ce point, un constat pour conclure : malgré toutes les qualités que l’on relève chez les chanteurs, on regrette, à des degrés divers mais c’est une faiblesse générale du spectacle, un manque de netteté dans la diction, d’appétit, si l’on peut dire, et de rebond dans l’attaque des mots. A une époque où les chaînes d’info continue nous infligent leurs logorrhées inarticulées – ne parlons pas de la syntaxe – le grand défi auquel est confronté le répertoire de l’opéra-comique se situe d’abord là. Quel plus criant aveu de faiblesse à cet égard que des surtitres en français… à la Salle Favart !
Allez donc revoir le film de La Vie Parisienne mise en scène par Jean-Louis Barrault, le 21 mai au Comique, pour vous en convaincre !
 
Alain Cochard
Lecocq : Ali-Baba – Paris, Opéra Comique, 12 mai, prochaines représentations les 14, 16, 18, 20 et 22 mai 2014.
www.concertclassic.com/concert/ali-baba-de-charles-lecocq

 
 Photos © Pierre Grosbois

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