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Alexandre Bloch dirige l’Orchestre national de Lille au Festival de Saint-Denis – Maître des équilibres – Compte-rendu

Fin de saison hors les murs pour l’Orchestre national de Lille : vingt-quatre heures après un concert au Nouveau Siècle, la phalange et son directeur musical, Alexandre Bloch, étaient les invités du Festival de Saint-Denis, avec la soprano Jodie Devos et le Chœur de l’Orchestre de Paris, dans un programme Britten-Poulenc identique à celui de la veille. Identique s’agissant des œuvres, mais donné dans des conditions bien différentes de celles de la salle lilloise. Le vaste vaisseau de la basilique cathédrale est un lieu très particulier en effet, où l’on a vu plus d’un chef se faire piéger par l’acoustique ... Alexandre Bloch, tout au contraire, a su l’apprivoiser, restant toujours maître des équilibres très subtils requis par les ouvrages retenus.   
 

 © Festival de Saint-Denis / Christophe Fillieule
 
Débuts au Festival de Saint-Denis

Jodie Devos était attendue dans le Stabat Mater de Poulenc, tandis que les Illuminations revenaient à Sophie Karthauser. Souffrante, cette dernière a finalement laissé la place à sa collègue, qui faisait là ses débuts au Festival de Saint-Denis. Débuts on ne peut plus réussis avec un cycle de Britten – inspiré par Rimbaud — dans lequel Jodie Devos s’engage intensément. D’un bout à l’autre, elle peut compter sur l’accompagnement impeccablement dosé d’Alexandre Bloch à la tête de cordes d’une richesse et d’une malléabilité remarquables (l'admirable Ayako Tanaka, au jeu aussi pur qu'expressif, est au violon solo). Forte de cette complicité, la soprano, servie par une voix non moins malléable, a toute latitude pour creuser les caractères de chacun des épisodes et parvient dans Parade à une poésie brûlante et hallucinée.
 

© Festival de Saint-Denis / Christophe Fillieule
 
Un Requiem sans désespoir

En la mineur comme le premier épisode du Stabat Mater auquel il s'enchaînera, Timor et Tremor, le premier des Quatre Motets pour un temps de pénitence pour chœur a cappella de Poulenc, fournit une parfaite transition vers un ouvrage que le compositeur élabora en 1950 en mémoire de son ami Christian Bérard, précocement fauché par la camarde l'année précédente. Quinze ans après les Litanies à la Vierge noire (écrites sous le coup de la disparition tragique de Pierre-Octave Ferroud), Poulenc songea à nouveau à la Vierge de Notre-Dame de Rocamadour pour concevoir son Stabat Mater.
Alexandre Bloch aborde la partition avec une pleine conscience de la dimension très intime qu’elle revêtait pour son auteur. La gravité n’y est jamais emphatique et le Chœur de l’Orchestre de Paris (impeccablement préparé par Marc Korovitch et Ingrid Roose) fait toujours corps avec une approche qui, par-delà la qualité de sa réalisation (équilibre remarquable, encore une fois, entre la masse chorale et un orchestre très fourni - et en grande forme !), ne perd pas un seul instant de vue l’essence d’une prenante méditation sur la mort d’un ami – l’humble et touchante luminosité que Jodie Devos apporte à la partie de soprano solo y contribue beaucoup aussi. Un «Requiem sans désespoir » disait Poulenc de son Stabat Mater ; tel est bien ce qu’Alexandre Bloch et ses troupes nous ont offert. Avec humanité et ferveur.
 
Alain Cochard

 Saint-Denis, Basilique Cathédrale, 23 juin 2022 // Festival de Saint-Denis ; jusqu’au 3 juillet 2022 : festival-saint-denis.com/fr/
  
 
Photo © Festival de Saint-Denis / Christophe Fillieule
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