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Aleko et Francesca da Rimini de Rachmaninov à l’Opéra de Lorraine - Heureuse découverte - Compte-rendu
Ce spectacle de l’Opéra national de Lorraine réunit deux courts opéras de Rachmaninov rarement représentés sur les scènes hexagonales. Œuvre de jeunesse, Aleko (1893), composée à la sortie du Conservatoire de Saint-Pétersbourg, n’a pas la puissance d’orchestration de Francesca da Rimini (1906) sous l’influence de Berlioz et de Wagner. Toutefois, l’histoire de l’amour adultère entre un jeune tzigane et Zemfira, épouse d’Aleko, recèle plus de consistance que le livret confus de Francesca da Rimini dû au frère de Tchaïkovski : la passion de Paolo et de Francesca condamnés aux Limbes pour avoir trahi la confiance de Malatesta est revisitée aux Enfers par Virgile et Dante.
Le Roumain Silviu Purcărete réussit à différencier chaque pièce grâce à un travail d’acteurs stylisé qui ne manque pas de pittoresque y compris dans les ballets. Le décor de Helmut Stürmer évoque pour Aleko un chapiteau où des personnages de cirque et même un ours évoluent entre une caravane ou une 2 CV lieu des amours infidèles. Des squelettes progressivement entraînés dans une hystérie collective peuplent des catacombes à l’expressionnisme exacerbé proche d’un rêve fantastique où se projette en flash-back le drame de Francesca da Rimini. Distribution vocale convaincante marquée par l’autorité de la basse profonde d’Alexander Vinogradov en Aleko (également Malatesta dans Francesca da Rimini), à la fois tourmenté et terriblement humain dans sa jalousie suicidaire face à son épouse Zemfira incarnée par Gelena Gaskarova, ambitus large et vraie présence scénique. Belle prestation en Jeune Tzigane du ténor Suren Maksutov et de Svetlana Lifar en Vieille Tzigane. Dans le second opéra, le rôle de Paolo souffre des limites d’Evgeny Liberman, voix excessivement tendue dans l’aigu et souvent au maximum de ses possibilités, qui contraste avec l’aisance de Gelena Gaskarova en Francesca. Les personnages secondaires bénéficient de la participation efficace d’Igor Gnidii (l’Ombre de Virgile) et de Suren Maksutov (Dante).
Dans la fosse, l’Israélien Rani Calderon – particulièrement apprécié à l’Opéra de Nancy – sait mettre en valeur la richesse de l’écriture, doser les couleurs (prologue de Francesca da Rimini) et solliciter constamment l’orchestre et les chœurs avec une élégance gestuelle qui bannit tout pathos. Un chef lyrique assurément qui suscite l’enthousiasme et contribue largement à la réussite de ce spectacle original.
Michel Le Naour
Nancy, Opéra national de Lorraine, 10 février 2015
Plus d'info sur www.opera-national-lorraine.fr
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