Mozart n'a pas toujours eu la chance d'avoir de bons livrets comme ceux de L'Enlèvement au sérail, des Noces de Figaro ou de La Flûte enchantée. Si Zaïde est resté inachevé, ça n'est pas un hasard et surtout pas seulement à cause de la mort de l'impératrice Marie-Thérèse qui avait entraîné la fermeture des théâtres autrichiens. C'est parce que le livret est inepte et que malgré son ardent désir d'être joué à Vienne pour mieux fuir l'ennui de Salzbourg, Mozart a fini par baisser les bras. Certes, Wolfgang ne pouvait s'empêcher d'écrire de la musique géniale: c'est bien pourquoi toutes les grandes sopranos germaniques se sont empressées de chanter le fameux air de Zaïde, cette soeur aînée de trois ans de la Constance de L'Enlèvement !

Ca ne sauve pas l'ouvrage. Si on ne le donne jamais, il doit bien y avoir quelques raisons. Faut-il pour autant incriminer le Festival d'Aix de l'avoir programmé ? Car il s'agit de l'invitation d'un spectacle présenté d'abord à Vienne. Et c'est bien le rôle d'un festival où Mozart est chez lui depuis soixante ans de présenter même ses œuvres inachevées. Le problème, c'est surtout la mise en scène de Peter Sellars qui a voulu en faire un brûlot contre l'esclavage. Cet Américain d'une rare culture n'échappe pas toujours à la naïveté de ses compatriotes. Sinon, il se serait aperçu que Zaïde n'est pas Fidelio de Beethoven ! Le résultat est qu'il surcharge la barque d'un contenu qu'elle ne saurait ni supporter sans couler corps et biens, ni même exprimer, car ça n'est tout simplement pas le propos de cette malheureuse Zaïde... Sellars s'est trompé d'ouvrage.

Alors, il y a beaucoup de bruits de chaînes et de serrures sur le plateau du Théâtre de l'Archevêché et les protagonistes s'essoufflent à courir dans les escaliers métalliques de cet atelier-prison ce qui ralentit l'action et surtout leur débit vocal au détriment de la conception que voudrait imposer dans la fosse Louis Langrée à la tête de la frémissante Camerata du Mozarteum de Salzbourg. Pourquoi pas un chœur de Palestiniens et un oud authentique ? Minkowski avait déjà introduit un orchestre turc dans L'Enlèvement au sérail au Festival de Salzbourg. Ce sont surtout les solistes qui sont un brin courts de voix pour une manifestation de ce niveau. Et puis, déjà inachevé, l'ouvrage a été amputé de ses deux mélodrames qui plaisaient tant à Mozart, et on a ajouté des extraits, un chœur notamment, de la pièce maçonnique Thamos roi d'Egypte qui à l'évidence ne cadre pas avec le propos de Sellars. Mais on n'en est pas ici à une invraisemblance près. Dommage pour Louis Langrée qui méritait mieux pour ses débuts aixois.

Jacques Doucelin

Zaïde de Mozart, Théâtre de l'Archevêché, le 29 juin. Prochaines représentations les 5, 7, 10, 12, 18 juillet 2008 (à 22h).

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Photo : DR