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Aix-en-Provence - Compte-rendu : la musique française par les Berliner Philharmoniker et Sir Simon Rattle, somptueuse consolation


Dimanche 1er juillet. Les festivaliers attendaient la première de la nouvelle production des Noces de Figaro signée Vincent Boussard au Théâtre de l’Archevêché, mais les aléas de la météo en ont décidé autrement. Tombée peu après 21h30, la nouvelle de l’annulation du spectacle engendre une palpable déception dans la foule massée, tous parapluies ouverts, devant l’Archevêché. Près de moi, une dame la relativise. « Dommage… ; mais on a déjà eu tellement de musique aujourd’hui… », me glisse-t-elle, faisant allusion au concert donné par les Berliner Philharmoniker et Sir Simon Rattle au Grand Théâtre de Provence en fin d’après-midi. Dans ces circonstances, il est vrai, le concert se mue en lot de consolation - somptueux ô combien !

La présence des Berlinois à Aix tient d’abord à Wagner, mais ils ne se cantonnent pas pour autant au répertoire germanique. Le premier programme symphonique qu’ils donnent au cours de l’édition 2007 est en effet entièrement dédié à la musique française.

Moment de pure magie… On gardera longtemps, très longtemps en mémoire le souvenir de la flûte fruitée et charnue d’Emmanuel Pahud attaquant le Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy. Sans empeser le trait ni altérer la fluidité de la pièce, Rattle installe la musique dans le temps et l’espace d’une salle qui, de la place que nous occupons (rang F) porte admirablement le son. « Rolls » orchestrale, Berlin offre au chef une palette de couleurs immense. Emerveillement aussi dans les extraits du Roméo et Juliette de Berlioz qui suivent : contagieuse jubilation de la Grande fête, pluie de timbres du Scherzo de la Reine Mab, poésie palpitante, à fleur de peau, de la Scène d’amour. Quelle leçon de style !

L’éloge de la couleur se poursuit dans la seconde partie du concert, avec d’abord la création mondiale de Reverso de Pascal Dusapin, une commande d’Aix et des Berliner dédiée à l’orchestre et à leur patron. « La forme de Reverso s’est (…) déployée par repliages, dépliages et pliages successifs et persistants, un peu comme un peintre qui recouvre de peinture ce qu’il vient déjà de peindre afin de mieux avancer vers l’avant », explique l’auteur.
Il en résulte une oeuvre développée (vingt-cinq minutes environ), très écrite, très foisonnante et dans la continuité d’un cycle de sept pièces qui s’ouvrit en 1992 avec Go et se refermera donc après ce sixième maillon. Reverso invite à un mystérieux cérémonial de caractère incantatoire. Rattle pétrit le matériau sonore avec un plaisir visible.

A Maurice Ravel revient de conclure avec une Valse au galbe parfait que Rattle pousse vers la cataclysme final avec une énergie folle. On peut rêver conception plus trouble, plus vénéneuse, plus radicale, certes, mais la classe du résultat force toutefois l’admiration.
Le public quitte le Grand Théâtre sur un petit nuage… Zut, il pleut !

Alain Cochard

Aix-en-Provence, Grand Théâtre, 1er juillet 2007

Photo : DR

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