Journal

​Adam Laloum et le Quatuor Tchalik aux Concerts du dimanche matin/ Théâtre des Champs Elysées – De l’art de prendre le temps – Compte-rendu

Le public s’est déplacé en nombre pour retrouver Adam Laloum et le Quatuor Tchalik au théâtre des Champs-Elysées ; bien lui en a pris car un admirable moment de musique l’attendait avec un programme réunissant piano solo et musique de chambre.
Moments musicaux de Schubert. Nul besoin de parler fort pour être écouté : dès les premières notes du Moderato initial, le vaste espace de salle de l’avenue Montaigne est comme aboli ; Laloum nous projette dans un espace intime et singulier. Tempo plus que très retenu, « arrauien » pourrait-on dire : il n’est pas donné au premier venu d’habiter la musique dans ces conditions ; l’interprète y parvient sans aucune difficulté. Etrange sensation ... Onze heures et quelques du matin, la nuit n’aurait-elle pas encore pris fin ? Ce Schubert nous transporte en tout cas dans une atmosphère onirique que rien ne vient troubler jusqu’au terme du cahier. Face à pareille poésie, pareille musicalité – quelle variété dans l’exécution des mordants du n°3 par exemple – l’auditoire se tient coi, pris par le charme puissant de ce qui fait figure – on emprunte la formule à Segalen – de « journal de route d’un rêve vagabond ».
 

© DR
 
Le jour se lève avec Dvořák et son merveilleux Quintette en la majeur, pour lequel Adam Laloum rejoint les Tchalik (un heureux événement approchant, Sarah Tchalik a cédé la place à Guillaume Becker à l’alto). Le jour naît dans une lumière douce et heureuse ... Allegro ma non tanto : ici encore les musiciens savent prendre le temps, les archets – d’une des meilleures jeunes formations françaises – pouvant toujours compter sur piano tout en timbres, présent, parlant, amical et jamais envahissant de leur partenaire. La musique de Dvořák réussit décidément aux Tchalik : on retrouve dans leur Opus 81, la même humaine simplicité qu’ils apportaient au Quatuor « Américain » l’an dernier, en ouverture de la Biennale de Quatuors  à cordes. La prégnance narrative de la Dumka ne convainc pas moins que la fluidité dans l’enchaînement de ses diverses sections, qualité qui distingue tout autant le Molto vivace, pas moins radieux et franc que le finale.
De Dvořák à Brahms le pas est vite franchi : le mouvement lent du Quintette op. 34 du maître de Hambourg, offert en bis, achève de combler les auditeurs.
 
Alain Cochard

 Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 8 janvier 2023
 
Photo Adam Laloum  © Harald Hoffmann - Sony Music Entertainment

Partager par emailImprimer

Derniers articles