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56e Concours de jeunes chefs d’orchestre de Besançon – A l’heure nippone – Compte-rendu

L’ombre de Seiji Ozawa plane toujours sur le Concours de Besançon qu’il remporta en 1959 ; le chef nippon donna en effet à cette compétition (fondée en 1951) une dimension internationale qui ne se dément pas comme en témoigne la fidélité d’un public toujours aussi enthousiaste. Sur les 240 prétendants choisis pour les présélections à Berlin, Pékin, Montréal et Besançon (dont 62 femmes), seuls 20 candidats ont été retenus pour la 56e édition. Au terme d’une semaine particulièrement riche, 3 finalistes se sont départagés face à un jury présidé par Yan Pascal Tortelier avec, à ses côtés, Serge Baudo, Liza Kerob (violon supersoliste de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo), Catherine Larsen (cheffe d’orchestre en Angleterre et en Allemagne), Annette Mangold (conseillère artistique du Berliner Philharmoniker), Timothy Walker (directeur artistique de l’Orchestre Philharmonique de Londres), Jean-François Verdier (directeur musical de l’Orchestre Victor Hugo Franche-Comté) et Eric Tanguy, compositeur en résidence au Festival de Besançon et auteur de la pièce « Constellations » (en création), qui occupait le programme de la finale au côté de Mort et Transfiguration de Richard Strauss.
 
Li Haoran © Yves Petit

Le Chinois Li Haoran (33 ans) a fait ses preuves lors 4e Concours Evgeny Svetlanov à Paris en 2018 où il a remporté le Prix du Public. Très professionnel, battue irréprochable, il est le seul à diriger par cœur Mort et Transfiguration. Si sa technique en impose, il séduit moins sur le plan stylistique avec une tendance à faire sonner l’orchestre sans trop se soucier des nuances. La pièce d’Eric Tanguy, aux six sections enchaînées, perd le caractère poétique indispensable à la restitution de l’émotion ressentie à la contemplation des étoiles. Même constat pour l'ouvrage de Strauss, puissamment projeté mais écrasant d’énergie et de force.
 

Victor Jacob © Yves Petit
 
La direction du Français Victor Jacob (28 ans, demi-finaliste à Besançon en 2017 et assistant de Fabien Gabel à l’Orchestre Français des Jeunes) offre une parfaite antithèse par la fluidité de la gestique et une clarté de conception qui se remarquent dans les deux œuvres du programme. Discursive, sa vision de Mort et Transfiguration évite toute emphase au risque de manquer de densité. Une prestation très appréciée qui vaut au jeune chef l’attribution d’une Mention Spéciale du jury, distinction accordée pour la première fois dans l’histoire du Concours.
 
Nodoka Okisawa © Yves Petit

L’assurance dont fait preuve la Japonaise Nodoka Okisawa (photo, 32 ans), en empathie avec l’excellente Deutsche Radio Philharmonie Saarbrücken Kaiserslautern – invitée pour la demi-finale et la finale –, emporte l’adhésion. Sa prestation très réussie lui vaut non seulement d’obtenir le Grand Prix (doté de 12 000 €), mais aussi le Coup de cœur du Public et celui de l’Orchestre.  Elle est en outre la première femme à remporter la Grand Prix depuis l’ex-aequo entre Silvia Massarelli et Daisuke Soga en 1993. Disciple de Kurt Masur à la Fondation Mendelssohn de Leipzig, la jeune artiste est déjà bien implantée dans le milieu musical se produit déjà à la tête de nombreuses phalanges (à Berlin, Bucarest, Tokyo, etc.). Libre, souple comme une liane, elle embrasse l’orchestre de son geste large et généreux, sachant mettre en valeur chaque pupitre et obtenir dans Mort et Transfiguration élan et sens dramatique.
Une nouvelle fois, le Concours de Besançon distingue de jeunes musiciens à la personnalité bien trempée dont il faudra suivre le parcours.
 
Michel Le Naour

Besançon, Théâtre Ledoux, 21 septembre 2019

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