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54ème Concours de jeunes chefs d’orchestre de Besançon – Jonathon Heyward : le talent et l’enthousiasme – Compte-rendu

Le succès du Concours de jeunes chefs d’orchestre ne se dément pas. Une fois de plus le Théâtre de Besançon est plein à craquer pour la finale. Des 20 candidats en lice le 15 septembre, il n’en reste plus que trois parmi lesquels le jury présidé par Dennis Russell Davies va devoir choisir (mais il peut toujours décider de ne pas le faire) pour attribuer l’unique Grand Prix de la compétition ; deux « coups de cœur », l’un de l’orchestre, l’autre du public, venant s’ajouter à la distinction tant convoitée. Elle a fait beaucoup autrefois pour la carrière d’un Seiji Ozawa et d’un Michel Plasson, et plus récemment pour Lionel Bringuier, Darrel Ang ou Kazuki Yamada.
 
Pas de candidat français à l’affiche d’une finale où l’on a successivement découvert Helmuth Reichel Silva (Chili, 32 ans), Jonathon Heyward (Etats-Unis, 23 ans) et Yukari Saito (Japon, 32 ans), à la tête d’un remarquable Orchestre symphonique de Bâle – ce d’autant plus que les instrumentistes arrivaient au terme d’une période chargée et éprouvante - dans un programme composé des Chairman Dances de John Adams, d’une pièce de Guillaume Connesson, E chiaro nella valle il fiume appare, commande du 68e Festival de Besançon donnée en création mondiale, et des fameuses Variations sur un thème de Haydn op. 56a de Johannes Brahms. Pas de concerto en finale cette année, cet aspect du répertoire a été réservé à un volet de la demi-finale (les premier et troisième mouvements du Concerto en sol de Ravel avec Alice Sara Ott au clavier).
 

Helmut Reichel Silva © Yves Petit
 
2e Prix du 6e Concours direction de Stuttgart 2015 et déjà fort d’un métier assez solide (il est depuis quelques mois chef principal de l’Orchestre de la Katholische Hochschulgemeinde de Freiburg), Helmuth Reichel Silva passe à côté de sa finale et laisse plus que réservé au terme d’une prestation sans relief. On peut tirer tellement plus des timbres et des rythmes des Chairman Dances ou du foisonnement très post-respighien du séduisant ouvrage de Guillaume Connesson … Quant aux Variations de Brahms, elles s’enchaînent poliment, sans progression dramatique.
 
Jonathon Heyward © Yves Petit

Changement complet d’atmosphère avec le candidat américain : Jonathon Heyward s’empare de la musique avec l’enthousiasme et le punch de ses vingt-trois ans. Geste ample mais précis : les Charmain Dances swinguent d’une assez irrésistible façon, fourmillantes de couleurs. Quel contraste aussi avec H. R. Silva dans E chiaro nella valle il fiume appare dont l’Américain exploite le riche matériau et le caractère très visuel. Quant aux Variations de Brahms, elle sont emmenées avec un vrai sens des caractères et beaucoup de souffle. Violoncelliste de formation, diplômé du Conservatoire de Boston, Heyward s’est mis à la direction il y a deux ans seulement (il poursuit actuellement ses études auprès de Sian Edward) : il n’a sûrement pas fini de nous surprendre ...

Yukari Saito © Yves Petit
 
A Yukari Saito de conclure la finale après la pause. Le contraste est grand entre le candidat américain, très physique, et ce petit bout de femme à la gestuelle sobre mais ô combien efficace. On ne peut que rendre les armes face à ses Chairman Dances, extrêmement fouillées. La Japonaise sonde le tissu orchestral, joue énormément avec les couleurs et libère une énergie tout à la fois sauvage et remarquablement canalisée. Sa vision de la pièce de Connesson se révèle un peu moins romantique que celle – allez, un brin « technicolor » tout de même – de Heyward,  mais on est admiratif, encore une fois, de ce sens des couleurs, d’un art de la grande ligne aussi. Il s’illustre enfin avec l’arche que Y. Saito parvient à tendre dans les Variations op. 56a, tout en sachant sonder l’atmosphère de chacun de leurs maillons.
 
Au terme d’une délibération assez rapide, le jury couronne Jonathon Heyward, tandis que Yukari Saito remporte le coup de cœur du public et celui de l’orchestre. Un unique Grand Prix certes, mais ce 54e Concours aura révélé deux remarquables jeunes baguettes. Rendez-vous en septembre 2017 pour le 55e Concours.

Quant 68e Festival de Besançon, dans lequel est inclus ce 54e Concours, il se prolonge jusqu'au 26 septembre et se termine en beauté avec la Philharmonie Royale des Flandres, Philippe Herreweghe et Paul Lewis. Au programme Mozart, Beethoven et Brahms.

 
Alain Cochard

 
Besançon, Théâtre, 20 septembre 2015
68ème  Festival de Besançon, jusqu'au 26 septembre 2015 : www.festival-besancon.com
 
Photo Jonathon Heyward © Yves Petit

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