Journal

3ème Festival de Pâques d’Aix-en-Provence – Transmission et enjeu identitaire

 L’équipe du Festival de Pâques d’Aix-en-Provence est sur le pied de guerre. La 3ème édition de la manifestation démarre le 30 mars et promet de continuer sur le chemin d’un succès rencontré dès 2013. « Nous sommes à 20% de billetterie de plus que l’année dernière, nous précisait Dominique Bluzet, directeur du Grand Théâtre de Provence et du Théâtre du Jeu de paume, alors que nous l’interrogions il y a un quinzaine de jours. 2014 avait connu un progression de 10/12% par rapport à la première édition. Nous pensons qu’au terme de l’édition 2015 nous aurons entre 30 et 40% de fréquentation en plus par rapport à 2013. »
 

Dominique Bluzet © DR
 
Lorsqu’il s’est lancé avec Renaud Capuçon dans l’aventure du Festival de Pâques, l’ambition affichée de D. Bluzet était de faire d’Aix-en-Provence le « Salzbourg français ». Elle demeure intacte, avec le désir de « profiter d’un tissu urbain, d’un patrimoine architectural exceptionnel, d’un présence artistique très forte ». Le patron du Grand Théâtre insiste sur « l’enjeu identitaire. Nous sommes face à des territoires qui font l’objet de redécoupages urbains. Aix va intégrer la Métropole d’Aix-Marseille : la culture permet à un territoire de maintenir son identité tout en se fondant dans une structure administrative plus vaste. Créer le Festival de Pâques là où il y avait déjà un festival d’été, c’était affirmer une spécificité, dire "nous existons à cet endroit là".»  Salzbourg est la ville de Mozart, Aix ne l’est pas, mais c’est une ville baignée par l’Art. Si on n’éclaire pas son passé, on ne peut pas éclairer l’avenir. L’enjeu était identitaire, ce d’autant que nous nous situons dans une ville universitaire ; la notion identitaire forge un projet militant. La culture est un outil identitaire qui permet le développement d’un territoire. »
 
En y amenant un public parfois venu de loin. « Le Festival de Pâques attire déjà 5% d’étrangers et 5/7% d’habitants d’Île-de-France. Sur 20000 spectateurs, 2000-2500 viennent déjà de l’extérieur : c’est énorme pour un tout jeune festival. A l’horizon 2023, nous visons entre 20 et 25% de public venant de l’étranger ou du nord de la Loire, sachant que notre zone de chalandise reste à plus de 50% la Région PACA et, sur ces 50%, 70% provenant de la Métropole Aix-Marseille. »
   
Les nouveautés du 3ème Festival ? D. Bluzet préfère parler d’ « amplifications » à propos de la nouvelle édition concoctée par Renaud Capuçon. « La notion de transmission est de plus en plus marquante par rapport au projet initial. Elle se décline de trois façons : le concert “Génération @ Aix“ d’abord, à l’occasion duquel un aîné transmet à de jeunes collègues, mais aussi les masterclasses où un musicien transmet à des enfants ou à des adolescents. Au nombre de quatre cette fois - avec Renaud Capuçon, Gautier Capuçon, Nelson Goerner, remplaçant de Menahem Pressler, souffrant (1),  et Paul Meyer - elles se déroulent à l’Auditorium de Conservatoire Darius Milhaud et la présence du Festival en ce lieu dédié à la pédagogie a valeur de symbole. Il sera en outre le cadre d’un concert un peu particulier, intitulé « Frères et Sœurs », pour lequel les fratries Capuçon, Chilemme, La Marca et Moreau feront équipe dans des œuvres de Schubert et Mendelssohn. L’un des buts du Festival de Pâques est de convoquer les jeunes générations autour de l’excellence. »
 
« La transmission s’opèrera aussi, grâce à un instrument, un violoncelle, qui sera remis à un jeune issu du Conservatoire d’Aix et actuellement étudiant au CNSM à Paris. Notre mécène, le CIC-Crédit Mutuel commande tous les ans à Pierre Barthel, un instrument qui a un rapport avec un des musiciens du Festival. En 2013, le luthier s’était inspiré du Guarneri « Viconte de Panette » de Renaud Capuçon, cette année le Stradivarius d’Ophélie Gaillard aura été son point de départ. »
 
« Melting pot intergénérationnel » : l’affiche de l’édition 2015 correspond parfaitement à la définition que donne Dominique Bluzet du Festival. De Gidon Kremer et Martha Argerich ou Augustin Dumay et Maria João Pires au Quatuor Modigliani et Michel Dalberto ou Maxim Vengerov et Roustem Saïtkoulov, de Sir John Eliot Gardiner et ses English Soloists, Paul McCreesh et ses Gabrieli Consort and Players au Café Zimmermann et aux Talens Lyriques, de Krystian Zimerman en récital à Khatia Buniatishvili au côté de la Filarmonica Teatro Regio Torino menée par Gianandrea Noseda, les propositions, variées, se situent toujours au plus haut niveau. Une première est à noter cette année. Renaud Capuçon, que l’on n’avait jamais entendu encore en concerto dans le cadre du Festival de Pâques, sera le soliste de la création française du Concerto de Wolfgang Rihm, à l’occasion d’un concert avec une formation et un chef qu’il connaît bien (il est rentré il y a peu d'une tournée japonaise avec eux) : l’Orchestre national du Capitole de Toulouse et Tugan Sokhiev. Une soirée symphonique attendue, au même titre que celles avec Robin Ticciati et le Scottish Chamber Orchestra ou avec Jonathan Nott et le Gustav Mahler Jugendorchester (pour la "Résurrection" de Mahler, avec les renforts du Choeur Régional Provence-Alpes-Côtes d'Azur).
 
Réussite du tandem Capuçon-Bluzet que le Festival de Pâques ? Non, d’un trio, car il faut évidemment ajouter Michel Lucas, patron du CIC-Crédit Mutuel qui, par son mécénat, a permis la naissance du Festival de Pâques en s'engageant pour cinq ans envers la manifestation aixoise. Il n'est de meilleure alliée du mécénat que la fidélité.

Alain Cochard
(Entretien avec Dominique Bluzet réalisé le 10 mars 2015)

(1) Programmé le 1er avril à 18h, le récital de Menahem Pressler est annulé
 
3ème Festival d’Aix-en-Provence
Du 30 mars au 2 avril 2015
www.concertclassic.com/festival/festival-de-paques-daix-en-provence

Photo Renaud Capuçon © Paolo Roversi

Partager par emailImprimer

Derniers articles