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3ème Festival Contrepoint 62 – Un patrimoine en fête


Le patrimoine instrumental est l'une des conditions essentielles pour qu'un festival d'orgue voie le jour, s'impose et se maintienne. Celui du Pas-de-Calais compte quelque cent cinquante instruments, d'une belle diversité historique et esthétique. S'y ajoute un réseau associatif très dense qui, depuis une dizaine d'années, fait vivre lieux et instruments à travers une saison répartie sur l'année (une cinquantaine de concerts) : Les Orgues chantent en Pas-de-Calais, saison dont le Festival Contrepoints 62 (sur trois week-ends, cette année du 26 septembre au 12 octobre) marque désormais le point culminant et l'aboutissement. Autre ingrédient et non des moindres : une solide volonté politique, celle du Conseil général qui, s'appuyant sur ce réseau associatif, a souhaité développer l'image culturelle du département à travers son patrimoine organistique et a confié la coordination de cette manifestation délocalisée à Domaine Musiques. Délocalisée car mettant en valeur un choix d'instruments qui chaque année varie – avec des chefs-d'œuvre indispensables, tels l'orgue Desfontaines/Cavaillé-Coll (1717/1855) de Saint-Omer ou l'opulent et raffiné Freytag-Tricoteaux de Béthune (2001, de type baroque nord-allemand), fleurons accompagnés pour cette 3ème édition des orgues d'Aire-sur-la-Lys (étourdissant buffet de 1633), Nielles-lès-Ardres (témoin de la facture flamande des XVIIe et XVIIIe siècles), Auxi-le-Château (1745, d'esthétique française classique dans l'esprit du Nord) ou Tournehem-sur-la-Hem (1755).

À cette richesse instrumentale – et donc des répertoires abordés – s'ajoute une programmation, mise en œuvre par Sébastien Mahieuxe, directeur artistique du Festival, associant largement l'orgue aux autres instruments et à la voix : Le Concert Spirituel d'Hervé Niquet avec Benjamin Alard à l'orgue d'Auxi, les Tallis Scholars de Peter Philips et Susan Landale à l'orgue de Saint-Omer, le Chœur de chambre Sequenza 9.3 de Catherine Simonpietri avec Thierry Escaich à l'orgue d'Aire, l'Ensemble Européen William Byrd de Graham O'Reilly et François Lombard à l'orgue de Tournehem, Concerto Soave avec la soprano Maria-Christina Kiehr et Jean-Marc Aymes, clavecin et orgue, à Nielles, enfin la Capilla Flamenca (Flandre oblige) avec Joris Verdin, également à Nielles. Tout sauf un Festival uniquement d'orgue, mais dont l'instrument-roi demeure l'épicentre et la raison d'être.

Inauguration de l'orgue Quoirin du Touquet

Nouvelle pierre apportée à ce patrimoine : l'orgue réalisé par l'atelier de Pascal Quoirin pour l'église du Touquet. Si l'on avait en mémoire la restauration malheureuse du grand Wenner (1881) de Saint-Louis-des-Chartrons de Bordeaux, (mal)menée en 2005 par Quoirin (on espère que le facteur corrigera bientôt une situation pour le moins insatisfaisante), l'inauguration par Thierry Escaich de l'orgue neuf au buffet futuriste de la cathédrale d'Évreux – en attendant celui de Saint-Dié (Vosges) – avait magnifiquement rassuré quant au travail de Quoirin et de son équipe, sentiment assurément confirmé au Touquet. Inauguré le 28 septembre, dans une église comble, par Olivier Latry, l'un des trois titulaires de Notre-Dame de Paris, cet orgue contemporain et polyvalent de 37 jeux doit permettre l'interprétation d'un vaste répertoire grâce à l'intégration de caractéristiques relevant de différentes factures (à mi-chemin entre classique et symphonique, foncièrement français mais convenant à l'univers allemand).

D'un coût total de 550 000 €uros, l'instrument a été majoritairement financé par la Ville, mais aussi le Département et l'État, ainsi que l'Association des Amis de l'orgue du Touquet. Avant de se prêter à la triple activité à laquelle il est destiné – cultuelle, culturelle et bien sûr pédagogique (ainsi que les discours de rigueur des différents intervenants, certains bien longs tandis que musique et public attendaient !, l'ont martelé chacun pour soi…), l'orgue a retenti sous les doigts infaillibles d'Olivier Latry au gré d'un programme éclectique reflétant les possibilités de l'instrument, les « modernes » (Widor, Dupré, Duruflé et Escaich) ayant en définitive mieux sonné que les « anciens » (Marchand et Bach). Un concert magnifiquement tonique et grand public, dans le sens le plus positif et stimulant du terme.

Concours Pierre de Manchicourt (Béthune)

Ce même 28 septembre avait lieu en parallèle, à Saint-Vaast de Béthune et toujours dans le cadre de Contrepoints 62, non seulement un récital de piano de Roger Muraro (Autour d'Olivier Messiaen) mais aussi la Finale du 2ème Concours Pierre de Manchicourt, ainsi nommé en hommage à ce musicien natif de Béthune devenu en 1559, à Madrid, maître de la Capilla Flaminca de Philippe II d'Espagne. Ayant lieu tous les deux ans et destiné à des organistes âgés de quinze à vingt-sept ans uniquement, ce Concours exigeant, placé cette année sous la présidence prestigieuse de Marie-Claire Alain, a couronné deux lauréates : Young-Eun Stang, Coréenne de vingt-six ans (1er Prix) et Barbara Playoust, jeune Lilloise de seize ans (2ème Prix).

Michel Roubinet

Le Touquet, 28 septembre 2008

Photo : Orgue Pascal Quoirin du Touquet

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