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3 Questions à Vittorio Forte - Affinités électives

Vittorio Forte est, avec Pietro de Maria, l’un des pianistes phares de la nouvelle école italienne. A la demande du public il revient le 16 août donner un récital au Festival des Nouveaux Talents de Villers-sur-Mer ; l’occasion de faire écho à son si poétique album Couperin-Chopin(1) que vient de publier Lyrinx, le label qui nous l’a fait découvrir en 2008 avec un stupéfiant disque Clementi(2).

Vous venez d’enregistrer pour Lyrinx un album alternant des pièces de Couperin et des Mazurkas de Chopin Comment vous est venu l’idée de cette mise en regard ?

Vittorio FORTE : L’idée de rapprocher des pièces de Couperin et de Chopin est un souhait déjà ancien de René Gambini, le fondateur et directeur de Lyrinx. Lorsque j’ai accepté sa proposition, j’ai fait des recherches afin de trouver un fil d’Ariane pour pouvoir mettre en évidence le style d’écriture des deux compositeurs. L’idée de la mélancolie, très présente dans l’esprit créateur de Couperin comme chez Chopin, s’est imposée. Pour Couperin je me suis donc tourné vers les pièces en mode mineur, en essayant de les choisir parmi les moins connues – il a tellement écrit pour le clavier, alors que justement les interprètes, qu’ils soient clavecinistes ou pianistes jouent souvent les plus courues et en négligent quantité d’autres tout aussi belles. Pour Chopin j’ai immédiatement pensé aux Mazurkas, malgré leur côté inspiré du folklore, parce que les Mazurkas sont d’abord portées par une nostalgie évidente qui habite leur langage émotif. Lorsque René Gambini m’avait proposé cette idée, j’avais plutôt songé à Rameau qu’à Couperin, mais rapidement Couperin s’est imposé ; plus profond, plus poétique, plus lyrique. D’autre part il me semblait que la richesse des couleurs du piano serait plus surprenante et mieux employée pour Couperin que pour Rameau. Evidemment certains puristes m’en voudront de m’approprier des pièces écrites pour le clavecin. Mais il y a eu des précédents - et réussis ! Wanda Landowska jouait Couperin au piano comme au clavecin, Marcelle Meyer l’interprétait sur son Pleyel. L’absence d’indication de nuance donne une grande liberté à l‘interprète à la condition qu’il respecte celles relatives aux phrasés. La toile a changé, mais les couleurs sont là.

Lors de votre récital à Villers-sur-Mer, le 16 août, vous jouerez également les P réludes de Chopin. Qu’elles sont vos affinités électives avec ce compositeur ? Quel grand pianiste aimez-vous dans Chopin ?

Chopin a été ma première grande découverte de la musique de piano lorsque je me suis mis sérieusement à travailler cet instrument, vers mes dix-sept ans, vous voyez donc assez tardivement ! Mon professeur d’alors m’a énormément fait écouter la musique de Chopin, il trouvait que je ressemblais même physiquement à Chopin, cela dit pour l’anecdote. Evidemment j’ai découvert certains grands pianistes qui m’ont marqué dans ce répertoire : j’ai encore le souvenir du choc électrique que m’a procuré l’enregistrement des Préludes par Martha Argerich. Pour lez Mazurkas Rubinstein mais aussi Witold Malcuzynski – un pianiste quasiment oublié aujourd’hui – m’ont accompagné longtemps et encore aujourd’hui d’ailleurs. Mais surtout je reste sensible à ces pianistes parce que l’on peut reconnaître leur sonorité. Voyez Arrau ou Michelangeli, comme leurs enregistrements sont signés ! On les démasque à la première écoute. Je recherche justement à produire moi aussi une empreinte sonore, ce que les pianistes d’aujourd’hui négligent trop il me semble. Je n’adhère pas à cette manière trop couramment répandue de faire un Chopin extraverti, brillant, comme si en fait on avait peur de sa profondeur. La langue de Chopin est la mienne, alors que je connais beaucoup de pianistes qui sont plus naturellement en empathie avec les univers de Liszt ou de Rachmaninoff. C’est pour cela que je souhaitais jouer les Préludes à Villers-sur-Mer. C’est un concert auquel je tiens tout particulièrement puisque j’avais remporté lors de l’édition précédente le Prix du Public qui a pour effet que vous êtes réengagé la saison suivante.

Clementi, Schumann, Couperin-Chopin, quel sera le compositeur de votre prochain disque ? Quels sont vos prochains concerts ?

J’aimerais tellement prendre le temps de savourer ce nouveau disque Couperin-Chopin et ne pas me poser la question de ce que devrait être mon prochain album, mais en fait j’ai envie de plus en plus de renouveler l’expérience, cette fois en allant fouiller chez Couperin les pièces en mode majeur, mais aussi parmi les pièces plus longues, et en choisissant chez Chopin dans les Nocturnes et les Préludes. Je sais que René Gambini souhaite une suite à cette aventure. Côté concert, le 30 août je joue Couperin, Chopin et Gershwin à l’Eglise Saint Barnabé de Londres, le 7 septembre je participe à deux reprises aux Schubertiades de La Radio Suisse Romande, et je donne par la suite deux concertos de Mozart avec le Sinfonietta de Genève (le 29 septembre à Chêne-Bourg et le 13 octobre à Ville-la-Grand).

Propos recueillis par Jean-Charles Hoffelé, le 28 juillet 2013

(1) Couperin–Chopin : affinités retrouvées / 1 CD Lyrinx LYR2283

(2) Clementi : Sonates op 34/2, op 40/2, Capriccio op 47/1 / 1 CD Lyrinx LYR2264

Concerts de Vittorio Forte

Œuvres de Couperin et Chopin

16 août 2013- 18h

Villers-sur-Mer - Salle panoramique du Casino

www.villers-sur-mer.fr/festival-des-nouveaux-talents

St Barnabas Church / London : www.barnabites.org/concerts

Schubertiade Espace 2 : www.schubertiade.ch

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Photo : DR
 

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