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3 Questions à Isabelle Druet, mezzo-soprano - Rencontre avec La Grande Duchesse

Isabelle Druet est sur tous les fronts en cette saison, concert ou opéra. On l’entendra dans un programme autour de la Grande Guerre proposé par le Palazzetto Bru Zane (en tournée jusqu’en février), dans un autre consacré aux Révolutions françaises (le 2 novembre à l’Auditorium du Musée d’Orsay), mais c’est La Grande Duchesse de Gerolstein qui l’entraînera avec Les Brigands sur les chemins de France, avec une halte prolongée à l’Athénée durant la période des fêtes (23 décembre-10 janvier). Parce qu’on ne résiste pas à Offenbach !
 
Comment avez-vous composé le programme de votre concert « Au pays où se fait la guerre » avec le Quatuor Giardini ? Le point de départ en fut-il la mélodie éponyme de Duparc ?

Isabelle DRUET : J’ai discuté avec Alexandre Dratwicki en lui montrant les mélodies sur la guerre que je connaissais déjà. Evidemment celle de Duparc en faisait partie, tout comme les airs de La Grande Duchesse de Gerolstein. Mais c’est principalement Alexandre qui nous a proposé des œuvres, et notamment celles de Godard, Chaminade ou l’Elégie de Nadia Boulanger. Nous avons cherché comment articuler les œuvres autour d’un thème conducteur, et aussi bien Alexandre, que le Quatuor Giardini et moi-même avons voulu proposer un concert qui soit un peu plus qu’un concert, presque avec une idée de spectacle, une narration dans laquelle on embarque les spectateurs.
Alexandre a divisé la soirée en quatre parties, le Départ au Front, la Guerre, la Mort et le Paradis. Une des particularités de ce concert ce sont les transcriptions des accompagnements pour quatuor à avec piano (réalisées par A. Dratwicki, ndlr). J’aime particulièrement ce que cela produit. Prenez une mélodie comme « Au pays où se fait la guerre », il existe une version originale avec accompagnement de piano, et une version orchestrée. Chanter la version orchestrée est une expérience, c’est somptueux, mais on est dans une autre dimension. Avec un quatuor on a les couleurs de l’orchestre mais l’intimité d’un discours chambriste. En plus cela provoque une écoute démultipliée, on échange entre musiciens, on discute beaucoup plus en profondeur l’interprétation et ses modalités. Mais on se connait si bien que parfois tout cela passe dans un échange muet, simplement dans l’énergie de faire la musique ensemble.
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Dans ce programme vous retrouvez La Grande Duchesse de Gerolstein qui va vous accompagner pour un petit bout de chemin puisque vous reprenez le rôle en tournée avec Les Brigands. Comment êtes-vous venue à l’Opérette ? Et qu’est-ce-que vous apporte Offenbach plus particulièrement ?

I. D. : Au début, lorsque je faisais mes études musicales, je regardais ce répertoire avec un peu de condescendance. Je ne croyais pas cela pour moi ; j’avais des préjugés. Et puis j’ai découvert Offenbach. Je suis tombé sous le charme désopilant de son humour de l’absurde, j’adore ça, j’adore la critique de la société à laquelle se livrent avec tant de brio Meilhac et Halévy. Si l’on ajoute la musique délirante et subtile on voit bien que le but recherché est sensiblement différent de celui des opérettes d’alors. L’écriture d’Offenbach c’est quelque chose, vocalement certes, et ce n’est pas si facile qu’on croit de ce côté là, mais aussi pour l’orchestre. C’était un compositeur d’opéra, Les Fées, Les Contes d’Hoffmann, son langage est bien plus complexe, bien plus riche que celui des musiciens du genre léger de l’époque. Passer des scènes chantées aux scènes parlées reste toujours aussi complexe, on doit s’y faire, trouver les moyens de ne pas épuiser la voix chantée lorsque l’on joue les tirades de théâtre. C’est tout un art. Y compris celui de garder la spontanéité dans le jeu, mais comme j’ai fait beaucoup de théâtre je sais m’en débrouiller et y prendre du plaisir.
 
Vous développez avec Les Lunaisiens, l’ensemble d’Arnaud Marzorati, un programme à caractère historique intitulé « Chants de gloire ou cris de mort », une chronique de la Marseillaise et des trois Révolutions du XIXe siècle …

I. D. : Arnaud Marzorati, quel personnage. Il est passionné par son sujet et sait vous en convaincre, impossible de lui résister. Je suis sensible au fait de savoir à qui on s’adresse et pourquoi on fait les choses. Ce type de programme historique nous parle de notre présent. L’engagement qu’une telle démarche fait prendre une autre dimension au concert. Si l’on ajoute l’esprit acide, l’humour décapent d’Arnaud Marzorati on tient un vrai cocktail Molotov musical. On est dans des formes très contrastées, on passe de l’opéra au vaudeville, du théâtre à la rue avec l’orgue de Barbarie. C’est le témoignage d’une époque mais revisitée. Après ces expériences de concert thématique, je chanterai Baba la Turque dans The Rake’s Progress pour une production qui tournera à Limoges et à Reims entre autres. Mais je peux vous avouer quelque chose ? J’aimerais chanter un grand Haendel, je pense à Ariodante

Propos recueillis par Jean-Charles Hoffelé,  le 25 octobre 2014

« Au pays où se fait la guerre »
Isabelle Druet et le Quatuor Giardini (Pascal Molong, Caroline Donin, Pauline Buet, David Violi)
Les 6 novembre (Laon), 7 nov. (Guewiller), 9 nov. (Hardelot), 14 nov. (Paris/Invalides), 15 nov. (Metz/ Arsenal), 14 décembre 2014 (Poitiers) // 20 janvier (Aix-en-Provence), 22 janv. (Entraigues-sur-la-Sorgue) ; 25 janv. (Arles/ Le Méjan), 5 février 2015 (Périgueux/CDC)
www.bru-zane.com/?page_id=13074&lang=fr
 
Ensemble Les Lunaisiens
«Pacifisme et propagande en chanson – 1840/1914 »
2 novembre 2014 – 15h
Paris - Auditorium du musée d’Orsay (entrée libre)
www.musee-orsay.fr
 
La Grande Duchesse de Geroldstein
Compagnie Les Brigands
Tournée du 25 novembre 2014 au 26 avril 2014
Calendrier des représentations : www.lesbrigands.fr/v2/?page_id=155

Photo © Michel Crosera

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