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1er Festival Terpsichore (2ème partie) –Plaisirs ramistes – Compte-rendu

Faut-il y voir une conséquence du gigantisme de la Philharmonie de Paris qui ouvrira mi-janvier à la Villette, un regain d’intérêt semble en tout cas se manifester à Paris pour des salles de caractère intimiste. On sait qu’un séduisant projet est en cours d’élaboration à la salle Cortot et Skip Sempé (photo) a pour sa part choisit la salle Erard pour la seconde partie de son 1er Festival Terpsichore – la manifestation a, on s’en souvient, commencé en septembre avec le « Service funèbre de Rameau » exécuté à l’Oratoire du Louvre (1). Erard : lieu chargé d’histoire – le gotha pianistique du XIXe siècle y est passé -  et véritable écrin chambriste se révèle tout simplement idéal pour les deux programmes Rameau proposés.

De retour de la Villa Medicis où ils donnaient des masterclasses, Skip Sempé et Pierre Hantaï se retrouvent pour un concert à deux clavecins. Il s’agit en fait d’une reprise du programme joué en 2011 à la Cité de la musique (prolongé par un beau CD paru chez Mirare), mais nul ne s’est plaint de réentendre des artistes de ce calibre dans des arrangements de pages orchestrales d’ouvrages lyriques (Les Indes galantes, Platée, Dardanus, Pygmalion, Les Fêtes d’Hébé, Castor et Pollux) entrecoupés de quelques Pièces de clavecin en concerts.

Deux grands disciples de Gustav Leonhardt sont sur scène (chacun face à un instrument ayant appartenu au maître néerlandais) : un dialogue se noue entre deux très fortes personnalités … Expérience hautement stimulante où l’alacrité le dispute à la poésie dans des interprétations épatantes de vitalité et de relief. La musique n’oublie pas le théâtre, ni l’orchestre (quelle ampleur prend l’ouverture de Pygmalion !). De bout en bout on est tenu en haleine par la force évocatrice d’un propos appuyé sur un art consommé de la couleur et une incroyable variété des attaques.
 

© Thierry Vagne

Courte intervention de Skip Sempé au cours du concert du dimanche, qu’il partage avec son collègue québécois Olivier Fortin et quelques membres de Capriccio Stravagante, pour dire sa joie de se produire dans le cadre parfait de la salle Erard et son « plaisir » d’interpréter Rameau. Plaisir intensément vécu et amical en effet que celui qui porte tout un programme « Rameau en concerts » où Pièces de clavecin en concerts alternent avec les 1er, 3ème et 6ème Concerts en sextuor.

Partenaire régulier de Skip Sempé, Olivier Fortin (2) partage avec lui un profond sens de l’image en musique ; les pages très évocatrices qu’ils abordent (où figurent de nombreux portraits : La Livri, La Coulicam, La Marais, la Cupis, la Forqueray … ) les montrent, vrais poètes des sons, spirituels et tendres, attentifs à leur sujet. Quel bonheur d’entendre quelques instrumentistes de Capriccio Stravagante (mention spéciale pour les timbres fruités de Morgane Ezouan, traverso, Jasu Misio, hautbois et Evolène Kiener, basson) se joindre aux clavecinistes comme dans cette Egyptienne d’un allant et d’une vigueur dénuée de toute sécheresse ou encore une Timide emplie d’une souterraine et mystérieuse poésie.

Au moment du bis, La Forqueray que tous les musiciens réunis par Skip Sempé enlèvent avec une enthousiaste énergie offre un parfait résumé du plaisir et du sens du partage qui ont fait le sel de ce « Rameau en concerts »

Rendez-vous à l’automne 2015 pour un 2ème Festival Terpsichore qui promet de très belles surprises.

Alain Cochard

(1) Lire le CR : www.concertclassic.com/article/skip-sempe-dirige-le-service-funebre-de-rameau-au-1er-festival-terpsichore-noblesse-style-et
(2) Olivier Fortin se produira en duo avec la flûtiste Annie Laflamme, les 22 et 23 novembre 2014, dans le cadre des Festes de Thalie : www.festesdethalie.org

Paris, salle Erard, 25 et 26 octobre 2014

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