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Tosca à l’Opéra Bastille - Distribution de choc

Les souvenirs laissés par cette production présentée pour la première fois en octobre 2014 n'étaient pas bons, mais la perspective d'y retrouver un plateau haut de gamme dirigé par un jeune chef promis à un bel avenir avait de quoi séduire. Saisis dès les premiers accords glaçants, annonciateurs d'un drame inextricable, nous nous sommes pourtant laissés envahir par la musique de Puccini coulée sur la sombre intrigue de Victorien Sardou. De ce suspense psychologique, politique et policier, l’Israélien Dann Ettinger brasse avec un sens du tempo affirmé chaque composante, pour mieux libérer les rouages d'une action qui, bien que prévisible, surprend toujours par la pertinence de ses coups de théâtre.

Marcelo Alvarez (Cavaradossi) & Anja Harteros (Tosca) © E. Bauer / Opéra national de Paris
 
Inutile de revenir sur le spectacle sans grande originalité de Pierre Audi dont seuls les beaux costumes de Robby Duiveman et les lumières soignées de Jean Kalman se détachent du lot, car on l'oublie vite pour se focaliser sur les interprètes. Inoxydable, Marcelo Alvarez retrouve Cavaradossi, l'un de ses rôles fétiches (1) qu'il continue de chanter impeccablement à un stade avancé de sa carrière. Jean-Philippe Lafont s'étant gravement blessé, le Sacristain a été confié en urgence à Francis Dudziak qui se tire habilement des facéties du personnage, les contributions d'Alexander Tsymbalyuk (Angelotti), de Carlo Bosi (Spoletta), d'André Heyboer (Sciaronne) et de Pierpaolo Palloni (Carceriere) étant toutes à souligner pour leurs qualités.
 
Regard sournois et méprisant, sourire carnassier et gestuelle excédée, le Scarpia de Bryn Terfel est un sommet, un modèle du genre, une quintessence ! Qu'il donne un ordre, dispense un compliment, brutalise ou caresse, rien n'échappe à la sagacité de son interprétation calculée au millimètre. Cynique, odieux, manipulateur, son Scarpia est capable d'énoncer le pire avec une voix doucereuse, méticuleusement sadique dès qu'il hausse le ton, ne suscitant dans son entourage que crainte et servilité et de Tosca le plus profond dégoût.

Anja Harteros (Tosca) © E. Bauer / Opéra national de Paris

Anja Harteros, très attendue après avoir annulé sa Maréchale en juin dernier, n'a pas déçu le public venu nombreux l'applaudir (2). Sa Tosca, aussi belle à voir qu'à entendre, n'a aucun mal à résoudre la quadrature du cercle : amoureuse et jalouse, diva et tigresse, féminine et forte, crédule et trahie, elle est tout à la fois. Prolongement magnifique ce cette incarnation fouillée, la voix de la soprano, charnue, sensuelle et d'une haute densité, épouse les linéaments d’une héroïne au port de reine et au tempérament volcanique avec une déconcertante facilité, même si les raucités du « Muori dannato » et de «  E morto ! Or gli perdono ! » gagneraient à sonner avec plus de sauvagerie encore.
 
Prochain défi sur la liste pour Anja Harteros, Maddalena di Coigny dans Andrea Chenier à Munich et en concert au TCE le 26 mars prochain.
 
François Lesueur

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(1) M. Alvarez était présent à la création en 2014
(2) A. Harteros n’est présente que jusqu’au 23 septembre, Liudmyla Monatyrska lui succède du 26 septembre à la fin de la série
 
Puccini : Tosca – Paris, Opéra Bastille, 17 septembre, puis les 20, 23, 26, 29 septembre et 3, 6, 9 12, 15 et 18 octobre 2016. www.concertclassic.com/concert/tosca

Photo © E. Bauer / Opéra national de Paris.

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