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La Muette de Portici à l’Opéra-Comique - Entre intérêt et agacement - Compte-rendu

Œuvre emblématique au succès retentissant, La Muette de Portici (1828) de Daniel-François-Esprit Auber (sur un livret d’Eugène Scribe) a connu depuis une désaffection que répare l’Opéra Comique, en coproduction avec La Monnaie et le Palazetto Bru Zane. Lors d’une représentation de cet opéra à connotation héroïque, l’air « Amour sacré de la patrie … » provoqua en 1830 à Bruxelles un soulèvement qui donna naissance à l’Etat belge. Wagner fut sensible à l’osmose entre musique et drame et les chœurs très présents préfigurent parfois ceux de Verdi. L’intrigue associe des événements personnels et des scènes spectaculaires.

L’originalité de l’ouvrage tient aussi au rôle muet de l’héroïne, ce qui contraint le metteur en scène à des prodiges d’inventivité. La dramaturge sicilienne Emma Dante a choisi la comédienne Elena Borgogni pour mimer Fenella (rôle où brilla jadis la danseuse Ludmila Tcherina). Agitée, aux limites de l’hystérie, sa gesticulation très physique finit par sembler caricaturale. Son émoi de femme abandonnée par Alphonse, le vice-roi de Naples, au profit d’Elvire, paraît surligné et à la longue agace. La chorégraphie, d’allure martiale, symbolise l’oppression et la force brutale (militaires anonymes masqués par des collants) tandis que les nobles, en costumes d’époque, évoluent sous lustre et tableaux de Vélasquez dans un décor volontairement réduit à sa plus simple expression (des portes marquant les différents lieux de l’action).

Les voix, sans démériter, ne déclenchent pas l’enthousiasme. Souffrante, Eglise Gutiérrez (Elvire) s’efforce de caractériser son personnage d’aristocrate et triomphe des fioritures de son chant. Maxim Mironov est un vice-roi, léger d’émission, raide, appliqué, qui manque de charisme. Le frère de Fenella, le pêcheur Masaniello de l’Américain Michael Spyres qui prend la tête de l’insurrection, a de la bravoure mais peine dans les moments de tendresse. Plus authentique, le Pietro de la basse Laurent Alvaro fait preuve d’une superbe déclamation (« Voyez du haut de ces rivages » à l’acte V), rendant justice au chant français dans toute son expression.

Cheville ouvrière de l’ensemble, le chef belge Patrick Davin est victime de l’acoustique particulièrement sonore de la fosse du Comique. Sa direction engagée et enflammée à la tête de l’Orchestre et du Chœur du Théâtre de la Monnaie manque souvent de nuance. Par sa vaillance, son emportement un peu désordonné, elle libère des décibels qui se seraient mieux fondus dans une salle de plus grande dimension. Somme toute, une représentation inaboutie mais non dénuée d’intérêt qui a le mérite de remettre au goût du jour une partition annonciatrice du Grand Opéra français à venir. On sort de ce spectacle de plus de trois heures sur un sentiment mitigé où l’intérêt le dispute à l’agacement.

Michel Le Naour

Auber : La Muette de Portici - Paris, Opéra-Comique, 7 avril, prochaines représentations les 11, 13 et 15 avril 2012

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Photo : DR
 

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