Journal

Orchestre National de Lille : Ouverture indienne

Pour son concert inaugural, l’Orchestre National de Lille a programmé Le Livre de la Jungle du trop méconnu Charles Koechlin (photo). Une invitation au dépaysement, sous la baguette de James Judd et dans une scénographie de François Boucq.

Parmi les orchestres français, l’Orchestre National de Lille serait bien placé cette année s’il s’agissait d’attribuer la palme du programme d’ouverture de saison le plus original puisque la formation a choisi le rare Livre de la Jungle de Charles Koechlin. La tonalité indienne que présente tout le début de saison de l’ONL s’explique par le fait qu’il s’inscrit dans le cadre de Lille3000, une nouvelle manifestation culturelle biennale destinée à prolonger la dynamique de Lille2004-Capitale européenne de la culture. Le choix de l’Inde comme thème de la première édition de la manifestation aura en tout cas permis de faire le bonheur des amateurs de partitions rares.

Charles Koechlin (1867-1950) demeure en effet une figure trop méconnue de notre patrimoine musical. De son vivant déjà, la discrétion était l’une des caractéristiques premières de l’ancien élève de Gabriel Fauré. Ainsi René Dumesnil remarquait-il dans « La Musique contemporaine en France » (1930) : « Charles Koechlin n’occupe point […] au yeux du public la place qu’il devrait avoir : sa modestie et son effacement volontaire – son dégoût de tout ce qui ressemble à la « publicité » - sont responsables de cette injustice. Mais quand il s’agit de rechercher l’influence exercée par les aînés sur les « jeunes », on reconnaît le rôle capital d’un Charles Koechlin dans l’évolution de l’art contemporain. » Personnage d’une grande humanité, maître à la fois rigoureux et libéral, il a par exemple apporté une contribution irremplaçable à l’épanouissement du jeune Francis Poulenc.

Le Livre de la Jungle de Rudyard Kipling fut source d’inspiration pour Koechlin tout au long de son parcours créateur, comme en témoignent les dates de composition des diverses parties de l’ouvrage éponyme du musicien : 3 Poèmes op 18 pour soli, chœur et orchestre (1899-1910), La course du printemps, op 95 (1908-1925), La méditation de Purun Bhagat, op 159(1936), La loi de la jungle, op 175 (1939-1940), Les bandar-log, op 175 (1939-1940).

Comme les titres le laissent imaginer, le dépaysement, la surprise, l’émerveillement attendent les auditeurs du bel ouvrage de Koechlin. On le découvrira, au Nouveau Siècle (le 13 octobre à 20h et le 14 à 17 h), dans une scénographie et avec des images de François Boucq. Un accompagnement visuel que n’eût sans doute pas désapprouvé un compositeur passionné par l’image et par le cinéma.

On se souvient en effet que des acteurs célèbres lui inspirèrent la Seven Stars Symphony, dont James Judd a réalisé un enregistrement où s’illustrent ses affinités avec le langage de Koechlin (1). C’est au chef britannique, très présent à Lille depuis quelques saisons, que revient de diriger le programme inaugural de la saison, avec le concours des voix de Juliette Mars, Yves Saelens et David Bizic et du Chœur Régional Nord/Pas-de-Calais. Et Jean-Claude Casadesus ? Il sera au pupitre dès le 19 octobre pour une soirée « Indian Rhapsody » assez étonnante, en compagnie du violoniste indien Dr L Subramaniam.

Alain Cochard

(1) avec le Deutsches Symphonie-Orchester Berlin (RCA).

Un Livre de la Jungle peut en cacher un autre… A Paris, le 17 novembre à 20h, dans le cadre du week-end Portes Ouvertes « Orients » de Radio France, Fabien Gabel dirigera l’ouvrage de Koechlin à la tête de l’Orchestre National de France (avec les voix de Marie Nicole Lemieux, Nikolai Schukoff et Denis Sedov et le Chœur de Radio France).

Photo : DR
 

Partager par emailImprimer

Derniers articles