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Portrait de Clément Pottier, chef et fondateur de l’Orchestre Étésias – Une baguette à suivre

On a découvert Clément Pottier (photo) le 21 mars dernier à l’Oratoire du Louvre, au commencement d’une série avec son tout jeune Orchestre Étésias. Un programme qui réunissait le Concerto op. 61 de Beethoven (une première en public pour la violoniste Elise Bertrand) et la Symphonie n°4 « Italienne » de Mendelssohn. Tout sauf la facilité donc (d’autant que l’acoustique du lieu ne lui faisait pas de cadeau ...) pour un jeune chef, né en 2002, dont la maîtrise, l’élégance du geste, l’enthousiasme communicatif et la musicalité nous ont séduit.
Clément Pottier et sa formation sont de retour le 21 mai au Festival de l’Épau pour une soirée Fauré. Concertclassic a voulu en savoir plus sur un artiste au talent précoce et, on va le voir, nourri depuis le départ de l’expérience du terrain et de l’observation attentive de ses aînés. Un talent à suivre de près ...
Le parcours musical de Clément Pottier démarre de la façon la plus ordinaire au Bouscat, tout près de Bordeaux. Une école de musique comme il en est tant en France, un gamin de 6 ans qui s’inscrit en classe de violon et – point essentiel pour la suite – prend part aussi aux activités chorales proposées par l’établissement. Avec un plaisir immense ! Tant et si bien qu’à 9 ans on le retrouve au sein de la Jeune Académie Vocale d’Aquitaine (dirigée par Marie Chavanel), une maîtrise qui travaille régulièrement avec l’Opéra de Bordeaux pour les productions nécessitant un chœur d’enfants.
De la Jeune Académie Vocale d’Aquitaine à l’Opéra de Bordeaux
Clément Pottier n’est pas près d’oublier cette Bohème montée 2014 ; dix représentations sous la direction de Paul Daniel, la toute première production lyrique à laquelle il a jamais participé. Il découvre le rôle du chef d’orchestre – et avec quel exemple sous les yeux ! –, prend conscience du nombre de choses dont celui-ci a la maîtrise. « J’avais trouvé ça mystérieux, intriguant », se souvient-il ...
Mais Clément Pottier possède aussi une voix qui sort du lot. Une audition pour un Requiem de Fauré lui vaut d’être sélectionné par Paul Daniel – il aura l’occasion de retrouver le Pie Jesu à cinq ou six reprises durant les années suivantes.
« J’aime chanter mais ... qu’est-ce que j’aimerais faire ça ! »

© Les Apaches !
Première baguette à 14 ans
Les aptitudes vocales de l’adolescent vont vite lui permettre de tenir des rôles dans des productions lyriques, tel celui de Miles dans le Tour d’écrou que Paul Daniel dirige en 2016. « Six semaines de répétitions qui m’ont permis de voir de plus près le travail du chef et de me dire : j’aime chanter mais ... qu’est-ce que j’aimerais faire ça ! » Il s’en ouvre à Marie Chavanel, à ses parents (non musiciens), à Paul Daniel et plus encore à Pierre Dumoussaud, chef assistant pour ce Britten. « Il m’a donné des pistes d’évolution pour l’avenir. Je l’ai retrouvé quelques mois plus tard à l’occasion du spectacle inaugural marquant l’arrivée de Marc Minkowski à l’Opéra de Bordeaux. Il a profité de mon anniversaire pour m’offrir ma première baguette. »
La vocation de Clément Pottier se précise ... Au Conservatoire Jacques Thibaud de Bordeaux, où il étudie le violon, et aussi le piano à compter de 2016, existe un cursus de direction, réservé toutefois à des musiciens de plus de 18 ans parvenus à un certain niveau de formation. Niveau que, par ses activités à la Jeune Académie Vocale d’Aquitaine et à l’Opéra de Bordeaux il a de facto atteint. En 2018, une dérogation l’autorise à démarrer de manière anticipée l’étude de la direction, sous la conduite de Roberto Gatto. Quant aux études générales, notre chef en devenir les poursuit on ne peut plus normalement, à un ou deux petits aménagements près – le bac, littéraire, mention très bien, viendra en 2020.
« Cette position d’observateur m’a permis d’appréhender les réalités du terrain, de comprendre les façons de dire les choses, de donner l’information aux musiciens. »
La leçon du terrain
2018 est aussi l’année de sa mue. C’est de la salle désormais qu’il regarde œuvrer les chefs. Marc Minkowski évidemment, qui l’invite à assister aux répétitions autant qu’il le souhaite. Un souvenir plus marquant ? Clément Pottier se remémore la Manon programmée au printemps 2019, une reprise de la production genevoise d’Olivier Py. De l’exemple d’autres chefs, Clément Pottier fait son miel aussi : Paul Daniel (repassé à Bordeaux pour une Elektra en version de concert qui lui offre l’occasion de découvrir la partition Strauss : un sacré choc ! ), Roberto Gonzáles-Monja, Pierre Dumoussaud, Marc-Leroy-Calatayud, Raphaël Pichon ... « On se rend compte de beaucoup plus de choses de la salle qu’en étant sur scène, souligne Clément Pottier. Ces années d’observation ont changé ma vision du chef. J’ai pris conscience du nombre de personnes qui travaillent avec lui, pour des aspect musicaux ou autres ... Dans les classes de direction on a une vision théorique, éloignée des réalités du terrain. Cette position d’observateur m’a permis de les appréhender, de comprendre les façons de dire les choses, de donner l’information aux musiciens. »

© DR
Les précieux conseils de Dominique Rouits et Julien Masmondet
Sur les conseils de Marie Chavanel – qui lui avait d’ailleurs permis de faire deux ans plus tôt la connaissance de Dominique Rouits, professeur de direction à l’Ecole Normale de Musique de Paris – Clément Pottier se présente au concours d’entrée à l’ENM, et le passe avec succès. S’ouvrent alors quatre années dont deux à étudier sous la conduite de D. Rouits et de son assistant, Julien Masmondet, puis à partir de l’arrivée de celui-ci en 2022 à la direction de la classe, avec lui mais aussi, ponctuellement, Lionel Sow, Louis Langrée ou Adrien Perruchon et l’Orchestre Lamoureux. Autant de visions de la direction, de la relation avec l’orchestre qui enrichissent l’étudiant.
La confiance de Marc Minkowski
Il n’a pas pour autant perdu le contact avec Bordeaux et continue de s’y rendre pour assister à des répétitions. Marc Minkowski associe peu à peu son jeune collègue à son travail. Avant même la fin des études à l’ENM en 2024 – avec mention très bien et félicitations du jury – Clément Pottier, prendra part dès janvier 2023 à la Trilogie Mozart/Da Ponte, à l’Opéra Royal de Versailles. « Sans être officiellement assistant, j’y ai été étroitement associé et j’ai pu suivre au jour le jour, un mois durant, la préparation du spectacle : une expérience particulièrement stimulante. »
La confiance de Marc Marc Minkowski vaudra d’ailleurs à Clément Pottier d’obtenir – étape marquante – son premier contrat d’assistant pour la Resurrezione de Haendel, donnée par les Musiciens du Louvre au Festival de Pâques d’Aix et à la Philharmonie de Hambourg en mars-avril 2024. D’autres occasions l’ont amené à retrouver cette formation depuis.
« J’avais envie de mettre en pratique toute l’expérience accumulée, de créer quelque chose qui m’appartienne. »
Un orchestre à soi
En s’installant à Paris en 2020 pour étudier à l’Ecole Normale de Musique, Clément Pottier n’abandonne pas les études générales et entreprend une licence d’Histoire-Géo à la Sorbonne, obtenue un an avant le diplôme de l’ENM. « Le temps de ce fait libéré, m’a permis de mener à bien un projet qui germait dans mon esprit depuis un moment : créer mon propre ensemble. J’avais envie de mettre en pratique toute l’expérience accumulée, de créer quelque chose qui m’appartienne, pour pouvoir expérimenter, monter les programmes qui m’intéressent. »

Requiem de Fauré à Paris à l'église Saint-Louis-en-l'Île, le 1er décembre 2024 © Orch. Étésias
Un nom rafraîchissant
Restait à trouver un nom à ce nouvel ensemble lancé en novembre 2023. Tâche moins simple qu’il n’y paraît ... « Ça m’a pris deux mois, en sourit aujourd’hui Clément Pottier. Beaucoup de noms étaient déjà pris, j’en voulais un qui n’existe pas encore, que ce soit en France ou à l’étranger. Ayant fait des études de géographie, j’ai toujours été assez intéressé par la météorologie. Je me suis tourné vers Strabon, géographe de l’Antiquité et j’ai découvert dans ses écrits le mot Étésias, qui a donné étésien en français : les vents étésiens sont, dans la mythologie, des vents envoyés par Zeus pour rafraîchir la Méditerranée orientale pendants les périodes de canicule. J’ai bien aimé la symbolique car je savais que nous voulions fonctionner par courtes sessions et avec des jeunes musiciens : donc rafraîchir le paysage musical ! »
Avec Étésias, la jeunesse est effet au rendez-vous, à la baguette comme au pupitre : moyenne d’âge 22/23 ans. Comment l’orchestre a-t-il été constitué ? « Je me suis tout simplement tourné vers des instrumentistes rencontrés depuis plusieurs années, explique Clément Pottier ; la majorité viennent des CNSMD de Paris et Lyon, d’autres du Pôle Sup 93 ou celui de Boulogne, et quelques uns d’ailleurs. La plupart arrivent à la fin de leur études et commencent déjà à cachetonner dans divers ensembles, ce qui permet répondre à une exigence de niveau nécessaire pour fonctionner de manière professionnelle. »

© Les Apaches !
Un projet orchestral et choral pour Fauré
Les auditeurs qui se rendront au Festival de l’Epau le 21 mai pourront en juger, comme avaient pu le faire ceux présents à la toute fin 2024 à Paris lorsque le programme Fauré que l’on entendra bientôt y avait été pour la première fois donné.(1) Un projet fauréen qui s’expliquait certes par l’attachement de Clément Pottier à une œuvre associée à ses premières apparitions en soliste et le centenaire du compositeur, mais aussi par la rencontre à la rentrée 2021 (au Chœur Sorbonne Université, auquel participe Clément Pottier) avec la cheffe de chœur Romane Belliot. Inspirés par le modèle de Pygmalion, les deux artistes ont eu envie d’unir leurs talents en un Orchestre et Chœur Étésias pour monter fin 2024 le Requiem de Fauré. Conseillère artistique du Festival de l’Épau, Marianne Gaussiat était présente au concert parisien de l’an dernier. Enthousiasmée par le résultat, elle a décidé d’inviter les Étésias dans le festival sarthois. Une soirée Fauré qui outre le Requiem, comprendra la suite de Pelléas et Mélisande et l’Elégie sous l’archet de Marc Tchalik, violoncelliste d’un magnifique Quatuor que l’on aura pu retrouver à l’heure de midi dans Fauré et Schubert.
Alain Cochard
(Entretien avec Clément Pottier réalisé le 2 mai 2025)

(1) Le 30 novembre à l'église Saint-Christophe de Javel et le 1er décembre à Saint-Louis-en-l'Île
Orchestre et Chœur Étésias, dir. Clément Pottier / Marc Tchalik, violoncelle ; Armèle Gadbois, soprano ; Paul Louis Barlet, baryton
Œuvres de Gabriel Fauré
21 mai 2025 – 20h30
Festival de l’Epau – Abbatiale
www.concertclassic.com/concert/paradisum-centenaire-gabriel-faure-orchestre-etesias
Concert du Quatuor Tchalik (à 12h30) – Fauré et Schubert
www.concertclassic.com/concert/tremplin-quatuor-centenaire-gabriel-faure-quatuor-tchalik
Site de Clément Pottier : www.clement-pottier.com/
Photo © Les Apaches !
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