Voyage musical à quatre mains : de Mozart à Bartok

Mozart – Adagio et Fugue en ut mineur, K. 546 (1788)
Composée en 1788 à Vienne, l'Adagio et Fugue en ut mineur, K. 546, est une transcription pour cordes de la Fugue en ut mineur pour deux pianos, K. 426, écrite en 1783. Cette œuvre illustre l'intérêt de Mozart pour le contrepoint, inspiré par l'œuvre de Johann Sebastian Bach. L'Adagio, introduisant la fugue, est d'une grande intensité émotionnelle, tandis que la fugue elle-même déploie une architecture contrapuntique complexe et élégante. Bien que la version pour cordes soit la plus connue, la version pour deux pianos offre une perspective sonore différente, mettant en valeur la richesse harmonique de l'œuvre.

Brahms – Variations sur un thème de Haydn, Op. 56 (1873)
Composées en 1873, les Variations sur un thème de Haydn, Op. 56, sont basées sur un thème connu sous le nom de "Chorale de Saint-Antoine", que Brahms a découvert dans une partition de vent de Joseph Haydn. Bien que ce thème ne soit pas de la main de Haydn, Brahms l'utilise comme point de départ pour une série de variations brillantes et expressives. L'œuvre commence par une introduction solennelle, suivie de huit variations et d'une passacaille finale, où le thème réapparaît dans toute sa splendeur. Cette œuvre démontre la maîtrise de Brahms dans l'art de la variation et sa capacité à allier rigueur formelle et émotion profonde.

Bartók – Mikrokosmos (1926–1939)
Les Mikrokosmos, composés entre 1926 et 1939, sont une série de 153 pièces pour piano, réparties en six volumes, de difficulté croissante. Bien que principalement destinées à l'enseignement, ces pièces sont d'une grande richesse musicale. Elles explorent une variété de styles, allant de l'harmonie tonale traditionnelle aux modes et rythmes folkloriques, en passant par des structures atonales. Certaines pièces rendent hommage à des compositeurs tels que Bach, Schumann et Couperin, tandis que d'autres intègrent des éléments de la musique populaire hongroise. Dans le contexte de ce programme, certaines pièces sélectionnées des Mikrokosmos seront interprétées à quatre mains, mettant en valeur la diversité et l'inventivité de Bartók.

Ravel – Rhapsodie Espagnole (1907–1908)
Composée entre 1907 et 1908, la Rhapsodie Espagnole est une œuvre pour piano à quatre mains qui évoque les paysages et les rythmes de l'Espagne. Divisée en quatre sections – "Prélude à la nuit", "Malagueña", "Habanera" et "Feria" – l'œuvre déploie une palette sonore riche et colorée, caractéristique du style de Ravel. Les influences de la musique espagnole sont omniprésentes, mais Ravel les filtre à travers son propre prisme impressionniste, créant une atmosphère à la fois exotique et poétique.

Claude Debussy – Prélude à l'après-midi d'un faune (1894)
Composé en 1894, le Prélude à l'après-midi d'un faune est l'une des œuvres les plus emblématiques de Claude Debussy. Inspirée du poème de Stéphane Mallarmé, l'œuvre dépeint les rêveries sensuelles d'un faune dans la chaleur d'un après-midi d'été. Bien que principalement écrite pour orchestre, une transcription pour deux pianos permet d'apprécier la richesse harmonique et la fluidité mélodique caractéristiques de Debussy. Le Prélude à l’Après-midi d’un Faune est une œuvre symphonique de Claude Debussy, inspiré du poème L’Après-midi d’un faune de Stéphane Mallarmé.
Dans le programme imprimé présentant son œuvre, Debussy écrit :
« La musique de ce Prélude est une très libre illustration du beau poème de Mallarmé. Elle ne désire guère résumer ce poème, mais veut suggérer les différentes atmosphères, au milieu desquelles évoluent les désirs, et les rêves de l’Egipan, par cette brûlante après-midi. Fatigué de poursuivre nymphes craintives et naïades timides, il s’abandonne à un sommeil voluptueux qu’anime le rêve d’un désir enfin réalisé : la possession complète de la nature entière ».
Un splendide succès du compositeur, qui incarne à merveille le genre de la musique impressionniste. Maurice Ravel la qualifia de « miracle unique dans toute la musique ».  Une sorte de flou tonal absolu se dépeint dans toute l’œuvre, et nous fait voyager vers des sonorités énigmatiques, poétiques, et rêveuses.
 
Maurice Ravel – La Valse (1919–1920)
Composée entre 1919 et 1920, La Valse est un poème chorégraphique pour orchestre, mais sa version pour deux pianos révèle toute la virtuosité et l'énergie de l'œuvre. Dédiée à l'amie du compositeur Misia Sert, l'œuvre évoque l'univers de la valse viennoise, tout en y introduisant une dimension tragique et décadente. Les tourments rythmiques et les éclats orchestraux sont ici restitués avec brio sur deux pianos, offrant une vision intime et saisissante de cette danse envoûtante.
La Valse est un poème chorégraphique pour orchestre que Maurice Ravel a dédié à son amie Misia Sert, mécène et pianiste française d’origine polonaise.
C’est une œuvre qui surprend de par sa voluptuosité, sa fougue, et l’intensité des contrastes que l’on y retrouve d’une phrase à l’autre. Elle dépasse de très loin les ambitions initiales de Ravel, dont l’expérience de la guerre a poussé à revoir son style d’écriture et l’expressivité de sa composition. A l’image romantique et fastueuse de la cour viennoise du XIXè siècle succédait l’image d’un monde décadent, toujours menacé par la barbarie. C’est que ce Ravel souhaite nous faire ressentir dans son œuvre.
Selon sa propre expression, il composa une « espèce d’apothéose de la valse viennoise à laquelle se mêle dans mon esprit l’impression d’un tourbillon fantastique et fatal », somptueuse évocation de la grandeur, de la décadence puis de la destruction de la civilisation occidentale.
C’est finalement une œuvre contrastée qui sait captiver son auditoire, et dont les figures pianistiques grandioses nous font revoir notre conception traditionnelle de la valse.