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Xavier Sabata au Festival Castell Peralada – Sans ardeur – Compte-rendu

Le premier week-end d’août au Festival de Peralada se concluait par un concert du contre-ténor Xavier Sabata (photo), invité pour la seconde fois en ces lieux. Très apprécié en Catalogne, l’enfant du pays dont la carrière peine à dépasser la frontière espagnole, proposait pour ce nouveau rendez-vous une évocation musicale de la figure d’Alexandre le Grand, où des œuvres de Haendel et Bononcini se trouvaient confrontées à des pages moins connues de Pescetti, Mancini et Leo, sélectionnées pour mettre en avant la puissante personnalité d’un conquérant, tour à tour valeureux, belliqueux amoureux ou sensible.
 
Pour rendre pleinement justice à ce héros hors du commun vu par des compositeurs baroques, il aurait fallu un musicien autrement plus investi et engagé que Xavier Sabata, qui ne possède ni la virtuosité d’un Jaroussky, ni l’expressivité d’un Fagioli, ni le timbre rare d’un Mehta. Sa technique lacunaire, ses vocalises parcimonieuses, son registre limité et l’uniformité de ses interprétations n’ont en effet donné qu’un pâle aperçu des capacités vocales exceptionnelles dont étaient pourvus les gosiers pour lesquels ses partitions ont été imaginées : la rage, la folie, la grandeur d’Alexandre n’ont été qu’esquissées, comme si le chanteur se retenait, uniquement intéressé par l’affliction et la tendresse dont certains auteurs ont cru bon de parer le Roi de Macédoine, Généralissime de toute la Grèce, tout d’abord dans « Chiare faci » extrait de L’Eulo festeggiante nel ritorno d’Alessandro Magno dall’Indie de Bononcici, puis dans deux airs composés sur un texte identique «Serbati al grande imprese » (issus d’ouvrages signés Pescetti et Vinci tous les deux intitulés Alessandro nell’Indie), chantés tout de même sans grande recherche de coloration.
 
Déception aussi pendant l’aria di bravura « Spirti fieri alla vendetta » issu de l’Alessandro il Grande in Sidone de Mancini, qui a semblé avoir laissé le contre-ténor sur les genoux, alors que les reprises da capo pauvrement ornementées ne comportaient ni trille, ni saut d’octave, ni la moindre inventivité – on imagine ce qu’aurait pu y apporter une Ewa Podles avec son affolant contralto d’agilité !
Reconnaissons que l’accompagnement chétif de la Capella Cracoviensis, dirigée par Jan Tomasz Adamus (également claveciniste), pauvre en dynamique et en ressort dramatique, n’a pas été d’une grande utilité pour relancer le propos et apporter au chanteur le soutien nécessaire ; parmi les trois bis accordés, un émollient « Cedo a Roma » du Scipione de Haendel était très largement applaudi par un public visiblement conquis par un Sabata des mauvais soirs pourtant. L’amour est décidément inexplicable.

 
François Lesueur

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Festival Castell Peralada, 7 août 2016

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