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Verbier Festival - La grâce des frères Capuçon - Compte-rendu

On peut tout attendre de cette exceptionnelle rencontre de talents juvéniles que représentent les sessions de l’Orchestre de Verbier, porté à des sommets sous les effets combinés d’une rare ambiance de confiance et de convivialité, et de la houlette de maîtres qui savent donner une âme, un ton, à cette centaine d’individualités contrastées. L’ouverture a cette fois montré un ensemble encore un peu vert, mais riche en personnalités brillantes (remarquables pupitres de cors notamment) tandis que la fusion des cordes peinait un peu à se faire. Mais l’on sait combien, au fil des jours, le potentiel collectif de l’orchestre va se dégager et s’affirmer.

Avec Charles Dutoit, Directeur musical du Verbier Festival Orchestra depuis 2009, on est loin de l’incandescence lyrique de James Levine qui régna ici longtemps. C’est surtout à des effets dynamiques et à une vision analytique que l’on est confronté, avec des raffinements sonores parfois difficiles à soutenir pour les interprètes : ainsi des ralentis et des pianissimi presque imperceptibles dans l’ouverture de l’Euryanthe de Weber, véritables fils du rasoir. Mais c’est Tchaïkovski, avec sa riche écriture, qui a le mieux permis aux pupitres de se déployer dans une grande gamme d’émotions et de couleurs : sa 5ème Symphonie, moins tragique qu’elle peut l’être, vibrait là d’une effervescence, d’une électricité contagieuse.

Contrastant totalement avec cette vigueur un peu tranchante, le raffinement inouï offert par les frères Capuçon, se renvoyant la pomme d’or dans le Double Concerto op 102 de Brahms ; glissant dans un rêve que seul permet une véritable vision commune, alors que ni leurs styles, ni leurs personnalités ne sont comparables. Lumineux, poétiques, ils ont enveloppé le public dans une bulle, tandis que la pluie cognait violemment sur le toit de la salle des Combins, et ont prolongé l’enchantement avec un de ces bis vaporeux comme ils savent le faire : la Passacaille de la Suite n°7 de Haendel.

Pièces d’or parmi les trésors de musiciens d’exception qu’aligne Verbier chaque année, ils s’y produisent fidèlement, dégageant une aura de bonheur qui les rend chers au public, particulièrement dans la musique de chambre où on les espère, car leurs carrières de virtuoses les en éloigne de plus en plus. On guettera notamment le concert du 28 juillet où Gautier, avec Leonidas Kavakos et Yuja Wang, jouera le Trio op.50 de Tchaïkovski « à la mémoire d’un grand artiste ». La corne d’abondance, comme toujours ici.

Jacqueline Thuilleux

Suisse, Verbier, salle des Combins, 20 juillet 2012
Verbier Festival, jusqu’au 5 août / rens. www.verbierfestival.com

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Photo : Aline Paley
 

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