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Traviata et nous, film de Philippe Béziat - Violetta sans fard
Exercice plus délicat qu'il n'y paraît, le film d'opéra se limite souvent à un moyen de diffusion d'une série de représentations. Le documentaire échappe quant à lui rarement à une certaine inertie didactique. Entre exigence intellectuelle et divertissement, Philippe Béziat a su ici se frayer une voie originale.
Pendant deux mois, de mai à juillet 2010, il a suivi les répétitions de La Traviata aixoise mise en scène par Jean-François Sivadier, et a ainsi enregistré plus de quatre-vingt-dix heures de pellicule. Plutôt que de récapituler les étapes du travail des artistes, il a choisi de reconstituer une Traviata, en suivant la musique de Verdi. Chaque numéro, au piano, avec l'orchestre, en entier ou en quelques mesures seulement, tantôt repris, parfois éludé, se trouve ainsi éclairé d'une manière originale. Le procédé en extrait la force théâtrale, jusque dans les ellipses narratives remplacées par le bruissement des feuilles au soir – juste avant la mort de Violetta. Le silence se fait musique, car il est aussi émotion.
Comme le cinéaste dans la préparation de la production, le spectateur se trouve immergé dans une histoire nouvelle, celle d'une héroïne de fiction comme celle d'une artiste à la recherche de l'expression juste. « On aimerait que ça reste une répétition » avoue d'ailleurs symptomatiquement Natalie Dessay, véritable pivot du film, encore plus que dans le spectacle. Dessay et Sivadier, plutôt que Violetta et Alfredo, tant la relation entre la chanteuse et l'homme de théâtre est le nœud dramatique de cette Traviata unique, qui laisse tomber le masque de la représentation, comme a su le faire d'ailleurs la mise en scène en se donnant comme une répétition de l'opéra lui-même. Sans le poids des décors, également réduits au minimum dans le spectacle final, on approche ainsi plus authentiquement la vérité psychologique des personnages. Le mythe de La Traviata se dévoile comme une femme proche de nous, avec ses doutes, ses espoirs, sa fragilité. Avec cette véritable création cinématographique, Philippe Béziat réussit le rare exploit de faire des coulisses une œuvre d'art achevée.
Gilles Charlassier
Traviata et nous, film de Philippe Béziat – en salle à partir du 24 octobre 2012
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Photo : DR
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