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Thomas Adès dirige l’Orchestre de Paris – Intense et poignant – Compte-rendu

Compositeur inventif et adulé, Thomas Adès (photo, né en 1971) est aussi un chef – et un pianiste (1) – remarquable. A la tête de l’Orchestre de Paris, il propose un programme à marquer d’une pierre blanche pour son originalité.
Dans l’Ouverture des Francs-Juges de Berlioz (1826), menée avec énergie, l’artiste britannique réussit à dégager toute la modernité d’une écriture dense mais qui sait aussi être fluide entre le lyrisme de l’Adagio introductif et des contrastes fortement marqués jusqu’à la péroraison conclusive. Polaris, « voyage pour orchestre » d’une quinzaine de minutes, composé par Adès en 2010 et créé à Miami l’année suivante sous la direction de Michael Tilson Thomas, offre un superbe moment symphonique riche de couleurs et de puissance suggestive. Autour du pouvoir d’attraction de l’étoile magnétique, se déroule un parcours consonant où les instruments (remarquables cuivres et percussions) se répondent dans l’espace avec un impact aussi séduisant qu’efficace.

Lionel Sow, chef du Chœur de l'Orchestre de Paris © DR

En seconde partie, le rare oratorio A Child of Our Time de Michael Tippett (1905-1998) – immense fresque de plus d’une heure écrite entre 1939 et 1941 telle une passion inspirée pas les sinistres conséquences de la Nuit de Cristal – prend la forme d’une revendication humaniste et politique contre l’injustice du monde. Sont convoqués les mânes de Haendel, Bach, mais aussi des negro spirituals dans un contrepoint serré où les solistes vocaux dialoguent avec un vaste chœur aux interventions dramatiques et un orchestre dense, magnifié par des timbres subtils. Admirable, l’interprétation suit une progression savamment architecturée, tendue comme un arc, qui culmine dans un final somptueux à l’optimisme chevillé au corps. Plateau vocal digne de tous les éloges avec la voix profonde et cuivrée de la soprano Michelle Bradley, l’élégance de la mezzo Dame Sarah Connolly, le poignant ténor Mark Padmore et la basse abyssale de John Relyea. Comme à l’accoutumée, le Chœur de l’Orchestre de Paris, préparé par Lionel Sow, se montre d’une ferveur intense à l’instar d’une œuvre chorale majeure du siècle dernier. Un moment de grâce et d’émotion.
 
Michel Le Naour

(1) Prochain concert de Thomas Adès à Paris : Fondation Vuitton le 5 décembre 2018 (intégrale de l’œuvre pour piano de Janáček) : www.fondationlouisvuitton.fr/fr/musique/concert/recital-thomas-ades-piano.html
 
Paris, Philharmonie, Grande Salle Pierre Boulez, 8 novembre 2018

Photo © Sheila Rock under License to EMI Classics

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