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Tanguy de Williencourt et Philippe Bianconi en récital à Bagatelle – Un talent prometteur et un maître (aux nerfs solides !) – Compte-rendu
Mettre en regard deux artistes de générations différentes comporte une part de comparaison inévitable qu’assume Anne-Marie Réby, présidente et directrice artistique de la série « Les Solistes à Bagatelle ». De fait, le concert tremplin de Tanguy de Williencourt, 26 ans, qui précède le récital de Philippe Bianconi, place haut la barre face à l’expérience de son aîné.
Tanguy de Williencourt © Jean-Baptiste Millot
Les Bagatelles op. 126 de Beethoven par lesquelles De Williencourt (Révélation classique de l’Adami en 2016) commence offrent tout un kaléidoscope d’états d’âme, tandis que Les Lumières du manège – pièce de Jean-Frédéric Neuburger composée en 2015 pour le Concours Long-Thibaud-Crespin, à partir d’un roman de Jorge Amado – soulignent un sens aigu du rythme.
La Sonate en si mineur de Liszt, architecturée, d’une seule coulée, témoigne d’une approche très pensée, aussi bien dans le contrôle de la violence que dans le lyrisme. Une vision élaborée qui devra trouver avec le temps davantage de respiration ; mais d’ores et déjà ce jeu investi, intelligent, laisse augurer d’un bel avenir.
Philippe Bianconi a depuis longtemps investi le territoire schumanien et sa palette orchestrale comme l’énergie dont il fait preuve rendent au Carnaval op. 9 toute sa dimension poétique et son inquiétude derrière les masques. Une réalisation parfaite où chaque caractère est rendu avec naturel et simplicité sidérante.
Las !, l’engagement dans la Marche des Compagnons de David contre les Philistins est interrompu dans les dernières mesures par le sifflement intempestif de l’alarme de l’Orangerie qui oblige à quitter la salle. Détendu, comme libéré du stress, Bianconi reprend avec autorité cette dernière pièce une fois le public revenu.
De veine impressionniste, La Dormeuse et les oiseaux de nuit (1995) d’Alain Louvier assure une transition bienvenue avant trois des Miroirs de Ravel, malheureusement entrecoupés à nouveau par le déclenchement de la maudite alarme. Bianconi a les nerfs solides et une expérience de la scène qui lui permettent de passer outre et de reprendre avec la même fluidité les Oiseaux tristes, d’instiller une vie intérieure à Une barque sur l’océan et de dessiner une Alborada del Gracioso riche d’une coloration quasi symphonique.
En bis, la Danse de Puck de Debussy et un extrait des Davidsbündlertänze de Schumann achèvent en beauté un moment de musique inoubliable dispensé par un artiste exigeant en quête d’absolu.
Prochains rendez-vous des Solistes de Bagatelle, le 10 septembre, avec le Duo Bizjak et Jean-Marc Luisada, et le 11 avec Jean-Paul Gasparian et David Kadouch.
Michel Le Naour
Paris, Orangerie du Parc de Bagatelle, 4 septembre 2016
Philippe Bianconi vient d’enregistrer un remarquable CD Schumann « Doubles et Masques » (Papillons op. 2, Carnaval op. 9, et Davidsbündlertänze op. 6) pour le label La Dolce Volta (LDV 28/dist. Hamonia Mundi)
Photo Philippe Bianconi © Bernard Martinez
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