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Reprise de Wien, Wien, nur du allein par le Béjart Ballet Lausanne – Une danse qui parle toujours
Il y a quinze ans, le phare s’éteignait : Maurice Béjart disparaissait, lui qui avait ouvert le champ de la danse à des centaines de milliers de gens dans le monde, avec sa troupe itinérante qui se passait de décors, et que quelques collants suffisaient à habiller, sa danse circulaire qui habitait si bien les cirques et faisait de l’habituel plateau hiérarchisé une ronde fraternelle au milieu de laquelle scintillait non un prince mais un élu. Une œuvre immense, des souvenirs brûlants que Gil Roman, l’un des ses interprètes et passeurs le plus inspirés, a su garder en devenant Directeur de la troupe, et faire renaître de plus en plus, après quelques flottements, l’absence du génie étant difficile à combler.
A Lausanne, donc, il célèbre cet anniversaire dans un théâtre de Beaulieu fraîchement rénové, et avec une compagnie que tous les danseurs du monde brûlent de rejoindre, tant elle est demeurée vivace, exigeante. Mariant l’héritage et ses propres compositions, Roman a réussi un pari complexe, dont on a va à nouveau apprécier la qualité, maintenant que les douleurs se sont apaisées, avec un ballet qui fut lui, créé il y a quarante ans, au Chatelet parisien, et que sa compagnie n’avait pas encore abordé. Etrange actualité du sujet, il s’agit dans ce Wien Wien, nur du allein, d’une sorte d’apocalypse et de renaissance rassemblant, face à quatorze autres qui figurent leurs rêves, quatorze humains broyés par quelque drame, resserrés dans une structure aux allures de blockhaus, puis renaissant grâce à la valse, sur des musiques qui toutes empruntent aux écoles viennoises et aux secousses qui donnèrent ses visages successifs à la ville : Haydn, mais aussi Schubert, Schœnberg, Berg, et bien sûr Strauss pour évoquer décadence, horreur puis vie nouvelle, comme une ode à l’éternelle jeunesse.
Le rapprochement avec l’instant présent est évident, et Gil Roman ne l’a pas laissé échapper, d’autant que la compagnie actuelle a découvert le ballet à huis clos, pendant le confinement … Présentée dans un nouveau décor de l’artiste suisse Magali Baud, Wien, Wien, nur du allein est une œuvre magnifique, moins solaire que les grands opus béjartiens déjà passés, mais d’une infinie sensibilité. Merveille que cette danse de mort et de vie puisse ainsi retrouver sa couleur, son sens. « La danse, écrivait Béjart, ne raconte rien…, mais elle éveille l’imagination profonde de qui la regarde ». Grâce à elle, il reste en nous.
Jacqueline Thuilleux
Wien, Wien, nur du allein (M. Béjart / M. Baud) - Lausanne, Théâtre de Beaulieu, 16, 17, 18, 20, 21 & 22 décembre 2022 // beaulieu-lausanne.com/en/calendar/wien-wien-nur-du-allein-2/
Béjart Ballet Lausanne : www.bejart.ch
Photo © Gregory Batardon
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